Texte: Urs Heller
LA MAGIE EST DE RETOUR. Les Grandes Tables de Suisse? On l'a peut-être oublié aujourd'hui, mais c'était autrefois le «Saint Graal» des chefs helvétiques. On y trouvait des stars mondiales comme Frédy Girardet, et des cuisiniers qui faisaient l’actualité gastronomique, comme Roland Pierroz ou André Jaeger, qui dirigeaient l'association d'une main ferme, mais efficace. Et puis, au fil du temps, tout cela s'est délité. Heureusement, aujourd'hui, sous la houlette de Guy Ravet, la magie est de retour. Grâce à ses efforts, faire partie de ce club est de nouveau important pour les chefs. «Nous avons effectivement beaucoup de demandes», se réjouit Guy Ravet (grande photo ci-dessus), qui donne d'ailleurs de sa personne en voyageant dans tout le pays, pour aller rencontrer et convaincre les meilleurs. Avec, comme promesse, un vent nouveau, la fin des hiérarchies et une entente cordiale entre collègues. C'est que la nouvelle génération ne reste plus dans son coin, elle bouge, elle échange, elle s'aide mutuellement. C'est d'ailleurs devenu un des atouts de l'association: elle permet aux chefs de se rencontrer, dans une ambiance décontractée, loin des soucis, et de faire connaissance avec de nouvelles têtes. Comme celles qui ont été présentées par Guy Ravet lors de l'assemblée annuelle qui s'est tenue au Bürgenstock Resort, pendant laquelle 12 nouveaux chefs cuisiniers ont été admis dans l'association.
C'est la star de Gstaad! Martin Göschel, avec son 18/20, est sans contexte le cuisinier le plus capé de la station bernoise. Il fait des merveilles dans son restaurant, le Sommet. Mais résumer le chef à sa table gastronomique, ce serait oublier qu'il veille également sur les autres restaurants de cet hôtel de rêve, où le gastronome peut satisfaire toutes ses envies, d'abord sur la terrasse, et sa vue magnifique, qui propose une carte lounge, en passant par la cuisine japonaise, au Megu, jusqu'à la haute gastronomie, au Sommet. Sans oublier que Martin Göschel est également un pionnier de la cuisine durable.
Grâce, entre autres, à Markus Arnold, la ville fédérale a retrouvé la place qu'elle mérite sur le plan culinaire. Il a osé tout chambouler dans la vénérable Steinhalle, pour proposer aux amateurs des concepts modernes où l'on décline, à midi, burgers et ramens, et, le soir, une carte gastronomique. Dans une atmosphère détendue, remplie de découvertes exotiques. En effet, le chef aime bouger, on le retrouve à New York, au Japon, en Corée. Et tout ce qu'il découvre lors de ses aventures lointaines, il l'intègre ensuite dans ses menus. À l'exemple de sa proposition actuelle la «S(e)oul Food». 17/20.
Après Berne, c'est Bienne qui se réveille également! Grâce à Christian Aeby, qui cuisine au cœur de la ville, dans une belle maison du 14e siècle. Un restaurant minuscule! Tout l'inverse de sa cuisine! Le chef apprécie les légumes du Seeland bernois, qu'il met en avant sur sa carte, où ils jouent souvent le rôle principal. Sans renoncer pour autant ni à la viande ni au poisson. Pour réussir ces merveilles, Christian Aeby peut compter sur sa femme Fiona. Non seulement elle l'accompagne et le soutien sur ce sentier escarpé qui mène aux sommets de la gastronomie, mais elle s'occupe également de la cave et de la carte des vins. 17/20.
Ivan Baretti, qui s'active dans l'élégant quartier des Eaux-Vives, mise sur la cuisine italienne, qu'il maîtrise à la perfection, tout en lui imprimant sa propre marque, et en la relevant d'une touche de modernité. Parmi les best-sellers de l'été, cet italien de Genève propose, sur sa petite terrasse, des raviolis del Plin avec une farce de pintade et une crème au parmesan renversante. Sans oublier le dessert qui a fait la réputation de la maison, «Il latte». Une association de lait, meringue, mousse de lait de brebis et glace au yaourt de brebis, sur un lit de caramel. 16/20.
Bienvenue chez le «Green Chef of the Year» GaultMillau! En effet, Paolo Casanova est à la fois cuisinier, jardinier et cueilleur. Dans ses plats, on retrouve pas moins de 80 herbes sauvages des environs. Et si vous voulez en goûter une bonne sélection, il suffit de commander le grandiose «Minestrone del Bosco», préparé avec des plantes fraîchement cueillies. Paolo Casanova a fait ses armes chez la superstar italienne Massimo Bottura, à Modène. Aujourd'hui, il poursuit ses recherches culinaires dans sa nouvelle région d'adoption, l'Engadine. 17/20.
Gerardo Metta marque des points dans son restaurant moderne et stylé, en proposant un «œuf parfait» frit, servi avec des cubes de bœuf braisés, ou avec ses tagliatelles de calamars, ou encore sa viande à la broche, du porc noir de Calabre. Voilà de la cuisine italienne comme on l'aime! Que l'on peut, par ailleurs, apprécier sur une agréable terrasse. 15/20.
«J'ai toujours voulu reprendre une auberge de campagne», assure Dietmar Sawyere. Voici son rêve exaucé. Le chef, qui a fait ses armes au Chedi, à Andermatt, a donc décidé de changer de braquet, et se retrouve aujourd'hui dans les cuisines du Kreuz de Dallenwil, dans une maison qui date de 1570! Avec le soutien de toute la famille, il s'active sur deux fronts. D'abord une gastronomie française assez classique au Stübli, ensuite des propositions asiatiques au Bijou. Deux salles, mais des plats qui sortent de la même cuisine. Et un concept qui a su séduire les guides, puisqu'il a obtenu une étoile au guide Michelin, et un 16/20 au GaultMillau.
«J'ai grandi avec l'odeur des pâtes et de la sauce tomate que préparait ma maman», se souvient Marco Campanella. Des odeurs et des goûts que ce jeune père de famille n'a pas oublié. Même si, aujourd'hui, la cuisine qu’il propose à des gastronomes enthousiastes est un peu plus sophistiquée. En hiver, ce jeune père de famille s'active à Arosa (Tschuggen), en été, à Ascona (Eden Roc). C'est ici qu'on va le retrouver ces prochains mois, dans son restaurant La Brezza, où il propose toujours deux menus. Le premier, classique, avec viande et poisson, le second vegan. Le chef maîtrise aussi bien l'un que l'autre, ce qui a d'ailleurs été largement reconnu par les guides, puisqu'il a obtenu 2 étoiles au guide Michelin, et 18/20 au GaultMillau. Impressionnant !
Marco Badalucci ne manque pas d'ambition, comme on peut le voir à la lecture de la carte de son restaurant de Lugano, une des plus belles tables de la ville. A l'exemple de son menu «Sette portate», rempli de belles surprises. Les raviolis sont farcis d'un bouillon de fruits de mer. Le spaghetto est servi froid, avec du sashimi de bar et du caviar. Quant à l'«Insalatina di mare», elle est tout simplement grandiose. On y retrouve scampi, gamberi, seppie, vongole, polpo, cozze du marché de Milan, agrémentés d'une mayo aux amandes. 16/20.
Tout est double au Chedi Andermatt. Il y a deux chefs, Dominik Sato et Fabio Toffolon, qui travaillent de concert, dans deux restaurants différents. Le soir, ils déploient leurs talents au Japanese, qui, comme l'indique son nom, propose une gastronomie japonaise, mais pas que. À midi, ils grimpent jusqu'à la terrasse ensoleillée du Gütsch, à 2340 mètres, pour des propositions plus traditionnelles. Avec, dans les deux restaurants, une volonté commune: enthousiasmer les clients. Il suffit d'ailleurs de goûter les amuse-bouches, des sakizuke grandioses, pour être convaincu. Évidemment, derrière deux talents de ce calibre, il faut chercher la femme: c'est Yoshiko, l'épouse japonaise de Dominik. Non seulement elle connaît les meilleurs producteurs de son pays, mais elle s'occupe aussi des desserts. 17/20.
Philippe Deslarzes a conquis les gastronomes avec son enclave scandinave nichée dans la petite ville vaudoise d'Aubonne. Le chef étant un pêcheur passionné - le lac Léman est juste à côté de son restaurant - il n'est pas étonnant que son menu mette l'accent sur les poissons et les produits de la mer. Comme son bacalhau mariné à la citronnelle, des rondelles de King Crab, des Saint-Jacques relevées d'un jus d'huile de macis, sans oublier une magnifique sole apprêtée de deux manières différentes. 16/20.
Chez Marco Ortolani, ce que l'on trouve sur la carte n'est qu'une petite partie des merveilles que l'on peut déguster dans son restaurant. En effet, le chef déborde d'idées, et il étonne toujours avec de nouvelles propositions. On se souvient de ses fausses olives, de ses tacos aux Gambero rosso, de son Bao Ban accompagné de mayo au citron et de caviar, de ses spaghettis fumés aux scampi. À noter aussi qu'il se fournit chez les meilleurs, comme, pour la viande, chez Fredy von Escher. Ce qui nous permet de déguster une magnifique épaule d'agneau ou des côtelettes géantes. 16/20.
Photos: Adrian Ehrbar, Marcus Gyger, David Birri