Eden Roc

Marco Campanella s’est mis en tête de casser les codes de la cuisine végane et d’en faire une série d’œuvres d’art. Parce que ça l’intéresse, bien sûr, mais aussi parce que la famille propriétaire le veut et que les clients intéressés sont toujours plus nombreux. Prenez l’exemple de son risotto Acquerello: pas de beurre, pas de parmesan, mais de l’huile d’olive et du bouillon de légumes. Une première au Tessin!
Cela dit, La Brezza – comme l’établissement jumeau d’Arosa, le Tschuggen – n’est pas réservé aux véganes. Il y a tout simplement deux menus: le «Giardino dell’Eden» pour végétariens et végétaliens et l’«Ispirazione» pour la majorité des amateurs de bonne chère. Nous optons pour le second. Marco Campanella demeure fidèle à sa ligne: sa cuisine exige beaucoup de travail. Le premier hors-d’œuvre est ici un classique: un gambero rosso grillé sur brochette, dont on déguste même les pattes croustillantes. La spectaculaire tartelette au jaune d’œuf et à la mousse de chou-fleur au surprenant arôme de grillé est, en revanche, une nouveauté. De même qu’un taco farci de mousse de canard et de betterave rouge. Et pour couronner le tout, du sandre du lac Majeur, mariné et flambé dans une fascinante décoction de salade pommée.
Pour aborder le menu à proprement parler, voici le homard breton à la crème aigre et au concombre. Les tranches de saumon de Lostallo (GR) témoignent que le chef se montre peu hésitant côté assaisonnement: le poivre de la Vallemaggia est dominant. Nous nous réconcilions avec les spaghettoni Vicidomini: la sauce verte qui les nappe n’est pas du pesto mais de la verdure de fenouil. Et le meilleur se cache au-dessous: du maquereau fumé, coupé en dés et enrichi de katsuobushi, soit la peau du maquereau. Le chef est particulièrement à l’aise avec le poisson. Exemples: une morue charbonnière servie avec des asperges, des morilles et un beurre blanc aux asperges ou un rouget barbet au crumble carottes-pommes de terre, garni de couscous et de pak-choï et nappé d’une délicate sauce safran et agrumes. Lorsque le filet de bœuf américain avec moelle et céleri racine arrive, c’est le «sandwich» qui nous ravit le plus: du jarret braisé deux jours sous vide. Puis c’est au tour du porc ibérique: d’abord sous forme de panzerotto farci de goûteuse poitrine de porc, puis en secreto relevé d’une réduction de sauce barbecue.
«Découverte de l’année» 2019, Marco Campanella est un chef très doué. Et le directeur du restaurant, Giulio Bernardi, s’avère un comparse parfait. Seule la carte des vins dénote clairement une marge de progression.