Aussi bons que beaux. Ils étaient onze. Et il ne devait en rester qu’un. A l’issue de l’épreuve de sélection au Championnat du monde de pâté-croûte pour la Suisse, l’Allemagne et le Liechtenstein, organisée par le MOF et chef de l’Auberge communale du Mont-sur-Lausanne Fabien Pairon et par Franck Pelux, de la Table du Lausanne Palace, le jury a tranché. C'est Xavier Bats, de Traiteur Ordanais SA, dans les hauts de Lausanne, qui a obtenu la meilleure note. Son magnifique pâté, chef-d'œuvre de technicité, d’harmonie des saveurs, d’esthétisme et de gourmandise, aura la charge de représenter la Suisse pour la première fois. Et ce, lors de la grande finale internationale qui se déroulera à Lyon le lundi 1er décembre 2025. Le Français originaire du sud-ouest a ainsi devancé Eddy Carré, de l’Ecole hôtelière de Lausanne et Romain Pellet, chef de RP Traiteur à Genève.
Devant quelques-uns des pâtés en compétition, de gauche à droite, Fabien Pairon organisateur de la sélection, Audrey Merle, organisatrice du Championnat du Monde de Pâté-Croûte, Eddy Carré, de l'EHL, classé deuxième, Xavier Bats, vainqueur, Knut Schwander, responsable du Guide GaultMillau Suisse romande et enfin Romain Pellet, troisième au classement.
Pâté incognito. Confidentialité oblige (le pâté vainqueur concourra à l’identique en version anonyme lors de l’ultime épreuve lyonnaise) pas de visuels ni d’indication de noms et d’ingrédients précis pour la pièce victorieuse. A peine pouvons-nous confier que ce passionné de pâté-croûte a mis beaucoup de lui-même dans sa superbe réalisation. Jusqu’à y glisser un ingrédient phare de son berceau d’origine, l’Armagnac: «C’est un hymne à ma région. J’avais un père charcutier, et ma mère a gavé des canards toute sa vie donc j’ai voulu mettre en avant la viande, le foie gras… J’ai quand même ajusté ma recette à la saison. D’habitude je mets du saindoux dans la pâte mais avec la température actuelle, j’ai opté pour le beurre.»
Lors de cette sélection du Championnat monde pâté croûte 2025, la dégustation des onze pâtés s'est faite sans savoir qui étaient leurs auteurs.
Entiers ou tranchés, le visuel des pâtés se doit d'être impeccable. L'absence de gelée, une pâte trop cuite et une part qui se désagrège à la coupe font immanquablement chuter la note.
Gagner sa croûte. Surpris par sa victoire, le Gascon, arrivé en Suisse en 1996 pour intégrer la brigade de Frédy Girardet à l’Hôtel de Ville de Crissier, avoue avoir hésité à concourir: «Je me disais que je n’avais pas le temps, que je ne gagnerais pas. Un copain chef m’a dit un peu comme une boutade "Écoute, si tu participes, tu ne vendras pas moins de pâté. Par contre, tu risques d’en vendre beaucoup plus si tu gagnes!"».
Un hit gastronomique. Pâte brisée croustillante et parfaitement cuite à cœur, décoration personnalisée, gelée bien présente et aromatique à souhait, farce gourmande dans laquelle chaque goût est immédiatement reconnaissable, tranche impeccable à la découpe et équilibre des saveurs… Le pâté vainqueur coche toutes les cases du pâté parfait, délice charcutier de tradition française loin d’être suranné. Danny Khezzar, chef du Bayview, et, du haut de ses 29 ans, plus jeune membre du jury de la sélection, ne boude pas son plaisir face à ce monument de la tradition française: «J’aime beaucoup en faire. C’est un boulot énorme. Mais lorsqu'il est terminé, il n’y a qu’à le poser sur la table, le partager et se régaler!»
Autour de Franck Pelux et de son sous-chef Giuseppe Meli, les deux chefs du restaurant de l'Hôtel de Ville, Filipe Fonseca Pinheiro et Damien Facile, faisaient partie du jury, Tout comme la cheffe Maryline Nohazic, de la Table de Mary à Cheseaux-Noréaz, de dos.
Membres du jury eux aussi, Danny Khezzar échange avec Frédéric Le Guen-Geffroy, à gauche, champion du monde du Pâté-Croûte 2023 et Daniel Gobet, à droite, lauréat en 2018.
Suisse au top. Convivialité et plaisir sont les maîtres-mots de cette spécialité qui ne cesse de s’imposer sur les tables du monde. Tout en gagnant en modernité. En Suisse, ils sont nombreux ceux qui s'aventurent en virtuoses dans la réalisation de pâtés-croûtes. Stéphane Décotterd à Glion, les MOF Fabien Pairon, Romain Pellet à Genève et Fabien Foare au Millennium à Crissier sont de ceux-là.
Un délice à partager. Une savoureuse appropriation culturelle qui ne surprend pas vraiment Knut Schwander, responsable du GaultMillau Suisse Romande et président du jury de la sélection: « Ce qui me plait c'est de voir qu'en Suisse, ce concours puisse avoir lieu. Parce que ça montre quand même que c'est un savoir-faire qui n'est pas seulement à la mode dans un nombre croissant de tables, mais c'est un savoir-faire qui plaît, qui est fédérateur. Un pâté, c'est un élément de partage. Et c'est une sorte de comble de la gastronomie, le partage. Là, on a quelque chose qui est à la fois traditionnel, qui peut être réinterprété et qui fait très, très plaisir.»
Hôte de ces sélections, Fabien Pelux a pris un malin plaisir à présenter les pâtés entiers au jury.
Pâte bien cuite à coeur, ingrédients visibles, tranche nette sont des éléments indispensables d'un pâté-croûte.
Tradition et modernité. Quant à savoir si les pâtés en croûte à croix blanche peuvent rivaliser avec les plus grands, le critique gastronomique a peu de doutes:«Ce que je trouve vraiment passionnant dans cette sélection, c'est la créativité. Il y avait un pâté notamment parfumé au café. J'ai trouvé ça extrêmement original, très bon, très équilibré. Donc, on a une réinterprétation du pâté traditionnel dans certains cas à côté de modèles plus convenus mais néanmoins incroyablement gourmands. Des pâtés comme on les adore!»
Rendez-vous à Lyon le 1er décembre prochain pour savoir si la Suisse deviendra l’un des bastions de l’indétrônable pâté-croûte.
Photos: Alexandre Mottier