L'ouverture de l'année? «Authenticité: n. f., sincérité des sentiments, vérité d'un témoignage. Synonymes: justesse, profondeur, sincérité, valeur, vérité» Un mot et une définition qui collent particulièrement bien à l'une des plus belles ouvertures de l'année en région Auvergne-Rhône-Alpes: Forêt Ivre, en périphérie du charmant village de Vailly. Ouverte le 16 juillet dernier, cette table est la nouvelle aventure du couple formé par Irene et Frédéric Molina (en grande image ci-dessus). Reconnus en Haute-Savoie pour leur Moulin de Léré, leur première table ouverte en 2014 et affichant un macaron rouge et une étoile verte à un petit kilomètre de là, ces quadragénaires ne cachent pas «vivre enfin leur rêve de restaurateurs».
Calme et sérénité entourent le nouveau restaurant Forêt Ivre.
Belle rencontre. Depuis Montreux, il suffit d'une heure en voiture pour se rendre à cette immense grange rénovée. «Nous étions déjà à la recherche d'un autre lieu pour développer nos activités, lorsque Madame le Maire et le propriétaire de cette ferme sont venus nous voir, raconte Frédéric Molina. Ce dernier souhaitait donner une nouvelle vie à cette bâtisse qui lui était chère. Pour nous qui sommes installés à Vailly depuis plus de dix ans, il était inespéré de poursuivre l'aventure ici!» Deux ans et demi de planifications et de travaux plus tard, le résultat est resplendissant.
À l'intérieur, sobriété et élégance règnent en trio avec les objets d'antan, retrouvés dans la bâtisse.
L'apéritif dans le jardin? C'est pour tout bientôt à Vailly.
Un jardin merveilleux. Autour de l'établissement - qui comprend quelques chambres rénovées avec soin et dessinées par Frédéric Molina -, on découvre un jardin pour l'instant encore vierge, mais qui accueillera dès le printemps prochain verger, potager et zones sauvages. «Ce jardin est l'ambition première de ce renouveau, poursuit le chef. Nous ne souhaitons clairement pas vivre en autarcie, mais pouvoir produire nos propres fruits, légumes et plantes.» Ces derniers compléteront les produits issus des pas moins de 37 fournisseurs du restaurant. Un «écosystème» extrêmement important pour Frédéric Molina, fier de pouvoir faire travailler autant de partenaires grâce à son restaurant.
Au cœur du restaurant, une œuvre d'art belle et pratique.
Les quelques chambres sont situées au «sous-sol». Entre guillemets car elles donnent tout de même sur l'extérieur, puisque le jardin est en pente.
C'est quoi, ce nom? En entrant dans cette grange emplie d'histoire, on ne peut passer outre la décoration. Balançoires, pans de murs en anciens tavillons, anciennes barattes à beurre, vieux fours… Une grande partie du mobilier installé à Forêt Ivre a été trouvé sur site, puis restauré. Mais en fait, qu'est-ce que ce nom de «Forêt Ivre»? Loin d'une forêt arrosée à la jacquère (ndlr: cépage de Savoie), il s'agit du nom donné au bois situé en contrebas du restaurant, installé dans des sols mouvants qui font pencher les arbres dans divers sens selon le temps. Un site unique inscrit au Géoparc mondial de l'UNESCO, et réinterprété de manière boisée par un artiste local, au centre du restaurant, sous huit mètres de plafond (voir photo).
Ecorce d'arbre. Autour de cette œuvre à vocation artistique mais aussi pratique (de faux champignons en bois permettent de poser bouteilles d'eau et flacons de vin), une dizaine de tables entre lesquelles fourmille une équipe de salle aussi professionnelle que conséquente. C'est elle qui commencera par déposer cette «écorce» d'arbre, amuse-bouche composé de pralin de noix, de polenta, de sérac de chèvre et de champignons. Les fraises? Elles arrivent en début de menu, en union de pois chiches, de tomates vertes, de fenouil et de lard en crumble.
Pleine d'herbettes et de fleurs sauvages, la cuisine du chef bouscule et fait réfléchir.
«J'aime à dire que nous vivons au gré des 52 saisons de l'année», sourit Frédéric Molina.
Accords sans alcool. Dans les verres, si on n'opte pas pour du vin, on peut se laisser emporter par une suite de divers breuvages cuisinés, créés et préparés sur place. À commencer par cet étonnant mariage de lait de noix et de kombucha alpin, sublimé par une huile de laurier. Suivront notamment un thé vert fumé à l'agastache et une limonade sureau au citron fermenté. «Ce travail des boissons est très excitant, explique l'un des serveurs. Nous collaborons étroitement avec la cuisine et pouvons tous donner nos idées, tester des choses. Un havre de créativité!»
Trésors de nos lacs. «Ma cuisine raconte le territoire, ne se lasse pas de répéter Frédéric Molina, heureux. J'ai grandi à la ferme, entre un jardin, une basse-cour et la cueillette d'herbes. Lors de mon parcours professionnel (ndlr: Irlande, Australie, Espagne, Italie), j'ai toujours travaillé dans des tables qui proposent une vraie approche locale, qui rendent hommage à leur région. Il était naturel de le faire chez moi.» On le ressent assiette après assiette, notamment à travers les «trésors de nos lacs», dénomination de ce petit bol garni d'écrevisses aux framboises et amandes fraîches, cerises et oignons. Ensuite, deux plats aux dressages similaires, tout en linéarité: le gourmand chou pointu rôti aux aiguilles de mélèze et sa béchamel au lait fumé et boutons de sureau, puis la féra soyeuse et sa sauce aux pois chiches, cassis et mélisse.
Myrtilles. Alors que le menu file vers son terme, on ne se lasse pas de ce paysage visible à travers ces larges baies vitrées. On s'imagine les traverser, plonger dans la nature environnante et cueillir des myrtilles. Ces mêmes fruits que l'on déguste en confit et frais, en union de fromage blanc en siphon et glace. Un régal en contrastes de saveurs, qui clôt un repas hors du temps.
Le restaurant Forêt Ivre à Vailly
Photos: Marie-Hélène Deméautis
Escapades françaises
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