Le gîte et le couvert. Les fans de ski connaissent bien la route. Au-dessus de Monthey, c’est celle qui mène au splendide domaine des Portes du Soleil. Morgins, Champéry, Avoriaz… autant de noms qui résonnent dans le cœur de ceux qui, hiver comme été, veulent tutoyer les sommets. Des sommets, le Chalet Flachaire en atteint lui aussi. Gastronomiques cette fois. Et ce, depuis qu’un jeune couple en quête d’un lieu pour réaliser son rêve a déniché son Graal à quelques virages au-dessus du village d’Abondance, en Haute-Savoie. Pendant un an et demi, Thomas et Estelle Flachaire ont cherché, écumé les annonces. Leur but: s’installer en montagne, non loin de Morzine où Thomas, Aixois de naissance, a dévalé ses premières pistes. En 2023, bingo! Ils trouvent une bâtisse à même d’abriter leur projet de vie: un restaurant pour lui, un hôtel pour elle.
Dans la salle à manger du Chalet Flachaire qui n'accueille guère plus de seize convives, le spectacle est aussi à l'extérieur.
Là-haut sur la montagne. Dans ce petit village du Chablais français, au cœur de cette Vallée d’Abondance au nom évocateur de bombance, un chalet des années 1970, a paru tout désigné. Une fois racheté, il a opéré sa mue, métamorphosé par le couple qui s’est retroussé les manches: «Thomas a aussi été chef de chantier. Il a fait beaucoup, a sablé tous les bois, installé la hotte sur le toit. Moi, j’ai, entre autres, fait les peintures.» détaille Estelle Flachaire, qui assure l’accueil et le service dans ce lieu ouvert le 14 février dernier, tout un symbole pour les amoureux!
Rookie français. Un restaurant qui invite désormais entre douze et seize convives à l’heure du repas. Dont certains chanceux qui peuvent prolonger l'expérience dans deux suites cocooning et épurées. Signe que leur parcours en inspire plus d’un, ils ont été aidés dans leur entreprise par la Dotation GaultMillau France Jeunes Talents, qui aide et encadre des profils prometteurs dans l'Hexagone.
Estelle Flachaire a une belle expérience dans la communication, passée notamment par la Maison Troigros et l'institution Relais & Châteaux. Au chalet, elle veille sur la salle et accueille les hôtes qui résident dans les deux chambres de l'établissement.
Eté comme hiver, à Abondance, la montagne est un terrain de jeu idéal.
Lac et fromages. Un lieu loin de tout? Pas tant que cela. Monthey est à trente minutes, Thonon à une quarantaine. En été, les randonneurs prennent leur temps sur les chemins environnants à l’ombre des Cornettes de Bise. L’hiver, les skieurs dévalent dare-dare les pentes alentour. À deux pas, le lac des Plagnes est une balade rêvée. Chaque dimanche, le centre du village s’anime du plus grand marché des producteurs du coin. Et, last but not least, à une poignée de mètres du Chalet Flachaire, la Ferme du Mont-Chauffé de la famille Girard produit un fromage d’Abondance, fruité et acidulé juste ce qu’il faut, maintes fois primé.
Pour composer ses recettes, Thomas Flachaire (g.) peut compter sur son jardin d'herbes aromatiques et son tout nouveau poulailler. Ludwig Von Rhijn (d.), maraîcher bio à Vinzier lui fournit fruits et légumes.
Quatre fantastiques. Mais avant, il y a la table de Thomas Flachaire. Passé par les brigades d'Hugo Roellinger, Michel Bras et César Troisgros, le jeune chef a déjà un parcours remarquable. Chez la famille de Roanne (les Troisgros), il a rencontré Estelle, qui s’occupait de la communication du groupe. Il y a aussi trouvé deux partenaires de choix: Clément Delimele, son binôme en cuisine, et Valentin Berger, qui excelle en sommellerie.
Cadre intimiste. Entre cuisine ouverte et cheminée, Thomas Flachaire œuvre pour moins de tables que de doigts sur une main. Au menu, les produits du coin. Comme une évidence, sans diktat aucun. Il faut dire que dans cette vallée qui porte bien son nom, on ne manque presque de rien. Le Léman et ses poissons sont tout proches. Les fromages et les salaisons sont produits la porte à côté. La nature environnante fournit plantes et baies. Et il ne faut guère se balader très loin pour trouver le reste.
Si appréciés en Haute-Savoie l'été, les petits fruits rouges ne poussent pas loin du chalet.
Pour une escapade zen et gourmande, deux suites douillettes accueillent les hôtes de passage.
Deux menus. Dans le menu Cîmes, servi en ce mois de juillet, la fraîcheur et la délicatesse sont partout. Les contrastes de textures et les sauces gourmandes aussi. Dans cet amuse-bouche dodu, où le pain soufflé est seulement orné d’un peu de lard gras du Val d’Aoste tout proche. Dans cette tomate cœur de bœuf gorgée de soleil aussi, parsemée de quelques amandes fraîches et accompagnée de basilic et de shiso en chips croustillantes dont on sauce allègrement le jus à l’aide du petit pain brioché. Ah… et puisqu’on parle de pain, élaboré à base de farines anciennes, il ne faut pas rater le beurre maison qui l’accompagne. Fait à base de petit lait, il est agrémenté de fleur de sel, de poivre de Sarawak et est passé au fumoir du restaurant. On en rêve encore.
En amuse-bouche, un dodu pain petit pain soufflé et son lard gras de la Vallée d'Aoste. D'un val à l'autre...
Sur cette tomate cœur de bœuf tout en fraîcheur, le basilic et le shiso comme des chips jouent les croquants accords avec l'amande. Servie avec un petit pain brioché à la tomate et à la poudre d'herbes, on sauce ce plat sans retenue.
Finesse de la chaire de la féra du Léman, croquant des courgettes en duo de couleur, et gourmandise d'un beurre blanc à la reine des prés.
Apparente simplicité. Devenu rare dans les filets et sur les tables, la féra façon Thomas Flachaire est délicatement cuite, et sa chair est enroulée dans un ruban de courgettes jaunes et vertes étonnement fondantes et croquantes à la fois. La sauce, un beurre blanc à la reine de prés et aux œufs de brochet, se savoure elle aussi jusqu’à la dernière goutte. Cette précision des cuissons, cette gourmandise, on la retrouve aussi dans le bœuf, son jus acidulé et ses quelques baies de cassis. Dans ces quelques haricots verts aussi qui semblent à peine sortis du jardin.
Accompagnés de sublimes petits haricots verts frais le jour de notre visite, le bœuf acidulé est ici proposé avec un poivron confit. Au Chalet Falchaire, la carte évolue au rythme des meilleurs produits du moment.
La framboise fraîche, incontournable de la Haute-Savoie est ici travaillée comme un mille-feuille ultra croquant de feuilles de gavottes. L'acidité du fruit, relative en peine saison, s'accommode d'un crémeux au riz peu sucré, de quelques feuilles de menthe cristal et d'un sorbet à la framboise.
Fromages voisins. Avant les desserts, où rhubarbe et framboises sont reines, on s’arrête sur le plateau de fromages qui dévoile quelques pépites locales, Abondance en différents affinages, tomme de la Tante Jeanne reblochonnée ou pâte fondante aux graines de carvi. Là encore, nul besoin d’aller très loin pour se régaler. Avec une petite confiture à la myrtille sauvage, c'est divin. Avant de revenir de cette balade en montagne, il faut aussi dire du bien de la carte des vins, pertinente et riche de quelques joyeux flacons parfaitement conseillés par Valentin Berger. Décidément, tout ceci valait bien de passer la frontière.
Chalet Flachaire à Abondance, en France.
Photos: Charlotte Bron, Labo N°3 / Morgane Brasier
Escapades françaises
Retrouvez les autres épisodes de cette série, au fur et à mesure de leur parution: