Grand soir et Grand Siècle. Alors que le vent et la pluie tourbillonnent dans les bois entourant l’Ecole hôtelière de Lausanne (EHL), à l’intérieur du bâtiment, le chant si singulier du champagne – une exclusive cuvée Grand Siècle de Laurent-Perrier! – versé dans les verres confère un air de fête à la salle dédiée à la dégustation. Majoritairement cravatés ou vêtus de tailleurs chics, les étudiants et étudiantes disposent chacun d’un petit évier pour cracher et sont séparés l’un de l’autre par des parois en verre sablé. Ils attendent le début de leur cours: un atelier très particulier, unique même, qui associe l’art et le vin. Thème du jour: l’art et le champagne. Et si, ce jour-là, Alexandra Pereyre de Nonancourt, membre de la direction des champagnes Laurent-Perrier, assiste à la rencontre, ce type de cours n’en fait pas moins partie du cursus des étudiants de l’EHL: depuis trois ans, Gildas L’Hostis, 53 ans, professeur d’œnologie, propose cette approche à la fois originale, ludique et didactique du vin en première année, puis de nouveau en master. Magique!

Vous êtes plutôt Bouba ou Kiki? Si ces noms évoquent des comptines enfantines, «ils illustrent parfaitement la perception que nous avons des sons», explique le professeur, enthousiaste, en montrant à l’assistance intriguée deux dessins de silhouettes: courbe d’un côté, anguleuse de l’autre. Quel nom associez-vous à quel personnage? «La réponse est universelle! sourit le conférencier. A la rondeur des formes correspond celle des sons doux de Bouba... alors que Kiki évoque les angles et les lignes brisées.» Et le champagne dans tout ça? Il arrive! Ou plutôt, ils arrivent, dans deux verres. Et c’est là que commence le jeu. Par e-mail, le prof envoie à ses étudiants des liens menant à des morceaux de musique et chacun se met au travail. Le but: associer l’un des airs avec l’un des champagnes: un blanc de blanc tout en vivacité espiègle d’une part, une cuvée Grand Siècle, itération 23, soit un assemblage de trois millésimes (2002, 2004, 2006), tout en harmonies subtiles, de l’autre. Et dans les écouteurs du Mozart (Sull’aria), charmant, fluide et léger, précède le chœur des bohémiennes de La Traviata (Verdi), émaillé de rires aigus et souligné d’une tension subtile. Résultat: près de 75% des participants ont associé Mozart et le Grand Siècle.

Lady Gaga ou Ariana Grande. Moins évident avec des morceaux contemporains, l’exercice donne lieu à des commentaires d’autant plus passionnés en lien avec les stars du moment. Comme l’explique Gildas L’Hostis: «L’essentiel est de susciter le débat, de réfléchir à la musique et au vin et de formuler son ressenti.» Oui, c’est tout l’art de ce cours: emmener les étudiants sur un terrain qui leur semble connu – la musique – pour les amener à s’exprimer en toute décontraction sur le vin. Là où les initiations classiques ont tendance à crisper les élèves – qui n’a pas eu peur de dire une énormité en dégustant un vin? –, ici, ils s’expriment spontanément en parlant musique parce que ce n’est pas l’objet du cours, donc perçu sans enjeu. D’ailleurs l’exercice se poursuit avec des tableaux. La majorité des étudiants s’accordent à retrouver des notes intenses, amples, vibrantes et toniques dans un troisième champagne – la belle cuvée Alexandra 2004 – et donc à l’associer, non pas à une nature morte de Monet, mais plutôt à la force tout en tension et en puissance d’une toile de l’artiste autrichien Hermann Nitsch, ou du peintre fauve André Derain. Alexandra Pereyre de Nonancourt, en tous les cas, est conquise par le concept.