Spot gastronomique. Huit cent douze. Voici le nombre d’âmes qu’abrite officiellement Rougemont, le village le plus à l’est du Pays d’Enhaut. Dans ce pittoresque petit bourg, où les ancestrales maisons fleuries cohabitent avec les luxueux chalets, les bonnes tables ne manquent pas. Entre le Cerf (12/20) et ses spécialités du terroir, le Roc (14/20) de l’Hôtel de Rougemont et Spa et sa cuisine française et la sublime Table du Valrose (18/20) et son Café (14/20), tous salués par le Gault&Millau, la discrète voisine de Gstaad s’est muée en destination gastronomique prisée.
L'Hôtel de Commune Rougemont, ses chambres et son restaurant, accueille depuis toujours les hôtes de passage à prix plutôt doux pour la région.
«Bon logis à pied et à cheval»: l'enseigne rappelle les origines de l'adresse, qui remontent à 1833.
Traverser la route. Au cœur de la rue principale, une vaste bâtisse aux volets verts abrite l’Hôtel de Commune depuis 1833. Longtemps tenue par une seule et même famille, l’adresse avait, ces dernières années, perdu de sa superbe. De sa chaleur et de sa renommée aussi. Période révolue depuis la réouverture, le 1er mai dernier, de son restaurant et de son café. Désormais à la tête des cuisines de cette auberge communale, Michael Burri n’est pas un inconnu. Le chef a longtemps œuvré sur le trottoir d’en face au restaurant le Cerf, sous la houlette d’Edgard Bovier. Installé comme chef privé à Gstaad, le Lausannois de 38 ans, passé chez Philippe Chevrier à Satigny, n’a pas hésité longtemps avant de relever ce défi: «J’ai toujours rêvé d’ouvrir mon propre restaurant et j’avais vraiment envie de redonner leur maison, celle qu’ils appellent "le Vill’", aux villageois.»
Du petit-déjeuner au dîner, Michaël Burri et sa toute petite équipe parient sur le fait-maison.
Tables de bois, petits sets de table à carreaux et assiettes chinées, l'Hôtel de Commune de Rougemont ne manque pas de charme.
Cuissons lentes. Pour satisfaire les habitués comme les gourmands de passage, Michaël Burri a fait le choix d’une cuisine de saison rassembleuse et accessible: «Pour moi, le meilleur moment de la semaine a toujours été le repas du dimanche, en famille, autour des recettes de ma grand-mère, de ses terrines ou de ses plats mijotés.» Sur les murs de son restaurant, le chef au bonnet de laine a donc accroché quelques portraits de famille couleur sépia. Sur sa carte, les recettes, classiques, du bœuf bourguignon à l'épaule d'agneau confite, sont travaillées avec soin et passion. Et servies dans des assiettes dépareillées au charme suranné.
Montagnes et forêts. La terrine de campagne maison, servie accompagnée d’un pain de graines et d’une compotée d’oignons, est un généreux mélange de viande de porc goûteuse, subtilement relevée de Cognac et de Madère, de cornes d’abondance et de noisettes est une entrée aussi gourmande que rustique, comme un rappel des forêts environnantes. Travaillée en version tatin, la betterave abandonne un peu de sucrosité justement rehaussée d'une mousse de fromage de chèvres qui broutent non loin d’ici.
Croquante, fondante, la terrine de campagne maison et sa compotée d'oignon aigre-douce donne des envies de balades en forêt.
L'os à moelle, incontournable de la cuisine de bistrot.
Team bidoche. Sur la carte, les Rodzemounais, le nom donné aux habitants de Rougemont, ont leur coin dédié où la viande est reine: «Je suis issu d’une famille qui compte sept générations de bouchers. Je ne pouvais que mettre en avant la qualité du bœuf produit entre Gstaad et Saanen. J’ai aussi eu envie de proposer les morceaux moins fréquemment au menu comme l’araignée, une vraie pièce de boucher». Servis sur un poêlon, qui permet de conserver la chaleur et d’ajuster la cuisson, l’entrecôte, la côte de boeuf ou la tendrissime araignée sont accompagnées d’un beurre maison aux herbes et aux épices, d’une ratatouille parfaitement confite et de pommes allumettes bien croquantes qu’on picore frénétiquement avec les doigts. Tout en tentant d'empêcher les autres convives de succomber à la tentation.
Servie au poêlon, la viande sélectionnée par le chef Burri est accompagnée de son beurre maison agrémenté de curry, de curcuma, de paprika, d'estragon, de marjolaine et de thym. Et d'un soupçon de cognac...
En tarte tatin, la betterave fondante s'accommode parfaitement de la pointe de sel d'un mousseux fromage de chèvre des monts environnants.
Fait maison. Les desserts, comme cette fondante tarte au Chasselas et sa douce glace au miel de pays ou l'incontournable mousse au chocolat servie avec son sorbet et son crumble cacao, sont entièrement fabriqués ici: «Des viennoiseries au pain en passant par nos glaces et sorbets, tout est fait maison!» Et lorsqu’on souligne la difficulté de l’exercice pour cette brigade réduite à deux personnes, dont lui-même, Michael Burri a la réponse toute trouvée: «Je le ferais pour moi, je ne vois pas pourquoi je ne le ferais pas pour mes clients.» Voici qui résume à merveille l’esprit des lieux.
Photos: Gabriel Monnet.