Pop culture. Voici la période de l’année où le quotidien des sommeliers se transforme quelque peu. Aux vrilles du limonadier succède une autre figure de style: l’habile petit mouvement du poignet destiné à faire sauter les bouchons des meilleures bouteilles de champagne. Synonyme de fêtes, ce vin est l’incontournable des repas placés sous le signe du plaisir et de l’élégance. A moments d’exception, bouteilles d’exception… Les cuvées de prestige de Laurent-Perrier se prêtent particulièrement bien à l’exercice. Et Grand Siècle ou Héritage sont l’incarnation de l’expertise de cette grande Maison. Des vins d'émotion que Dominique Peretti et Alexis Attal, les sommeliers des plus prestigieuses tables des hôtels de la Fondation Sandoz, chapeautés par Pierre-Marie Faure, chef sommelier du groupe, se plaisent à suggérer à leurs clients en cette période si particulière.
Nature imparfaite. Petit retour dans le temps. C’est de la vision de Bernard de Nonancourt qu’est née la cuvée Grand Siècle. Iconique dirigeant de la marque pendant plus de cinquante ans, ce dernier regrettait de ne pas toujours trouver toutes les qualités qu’il souhaitait voir dans ses vins millésimés. En 1959, il décide d’aller plus loin que la nature pour atteindre un niveau supérieur à celui qu’une seule année peut offrir. Il réunit ainsi trois millésimes et créa la première cuvée Grand Siècle, un vin d’une profonde intensité et complexité aromatique, dont la fraîcheur et la vivacité persistent à travers le temps. Dans tous les sens du terme.
Privilège rare. Depuis, cette cuvée de prestige suit la même formule: trois années exceptionnelles choisies pour leur fraîcheur, leur potentiel et leur finesse aromatique, une majorité de chardonnay complétée de pinot noir provenant d'un maximum de onze grands crus. Un vieillissement prolongé de dix ans sur lies pour le format en bouteille, et quatorze pour le format en magnum. Pour conserver leur rareté et leur exclusivité, seules vingt-six cuvées Grand Siècle (ou itérations) ont été dévoilées en bouteille et vingt-quatre, dont la dernière en février dernier rassemblant les millésimes 2007, 2006, 2004, en magnum.

Alexis Attal n'hésite pas à associer prestige et simplicité en associant fromage et champagne.

L'itération 26, sortie en 2023, est un assemblage des années millésimées 2012, 2008 et 2007.
Avec le temps. Pour Alexis Attal, chef sommelier depuis 2022 de La Table (17/20, 2 étoiles Michelin), au Lausanne Palace, le restaurant de Franck Pelux et Sarah Benahmed, le temps consacré à l’élaboration de Grand Siècle est à lui seul exceptionnel: «Garder les vins sur lies, c’est une immobilisation, c'est du temps, et c’est de plus en plus rare. Lorsqu’on parle de luxe, le luxe, ici c'est ça. On prend le temps puisque, une fois que l’assemblage est fait, le champagne est laissé avec la prise de mousse sur les lies pendant dix ans pour les bouteilles et quatorze ans pour les magnums. Le vin attend, il dort dans la cave, tranquillement, il s’affine et quand on l’ouvre, tout d’un coup, il est devenu autre chose.»
Gastronomie et plaisir. Amoureux de la méthode champenoise, le natif de Besançon prend autant de plaisir à déguster Grand Siècle qu’à l’accorder avec les plats de Franck Pelux: «Grand Siècle, ce sont des bulles extrêmement fines. C'est vraiment de la dentelle sur le palais. Ce sont des notes de fruits, dépendant toujours des itérations, mais toujours assez profondes. On va aller chercher un petit peu de miel, l’agrume légèrement confit. Il y a de la largeur et de la gourmandise sur ces champagnes, et surtout une grande profondeur. Ce sont des champagnes à la fois vineux, briochés. Ce sont des très grands champagnes de gastronomie, et de plaisir.»
Camembert ou Saint-Jacques. Pour ce sommelier adepte d’une certaine forme de simplicité, les accords parfaits ne sont pas toujours là où on les attend: «Personnellement, avec un bon camembert et un pain au levain, c’est magnifique. A La Table, le chef réfléchit à travailler une belle côte de veau avec une sauce au vin jaune pour la future carte. Typiquement, Grand Siècle pourrait très bien se marier avec ce plat et accompagner la profondeur de la sauce, les épices du vin jaune.» Autre suggestion: la Saint-Jacques avec un beurre blanc: «Ce sont des champagnes, notamment l’itération 24, tellement marqués sur les agrumes, les citrons confits, qu’ils vont parfaitement aller chercher la simplicité d'une Saint-Jacques».

Pour Dominique Peretti, Héritage s'harmonise parfaitement avec la subtilité de la cuisine d'Anne-Sophie Pic.

Héritage, un champagne d'une grande pureté et d'une parfaite maturité.
Accords majeurs. Dominique Peretti (photo du haut), chef sommelier du restaurant d’Anne-Sophie Pic au Beau-Rivage Palace (18/20, 2 étoiles Michelin) évoque lui aussi la délicatesse des coquillages et crustacés comme accord rêvé. Mais avec la cuvée Héritage cette fois. Comme Grand Siècle, il s'agit d'un assemblage. Mais de plusieurs vendanges des meilleurs crus de diverses années, et non de millésimes. Vieilli quatre ans au minimum, Héritage est exclusivement élaboré à partir de vins de réserve sélectionnés pour leur fraîcheur, leur élégance et leur complexité: «En ce moment, on travaille une écrevisse avec une sauce XO, une sauce originaire d’Hong Kong qui ramène pas mal de piquant, de fraîcheur. Tout ça aussi avec un riz de Vully. Ce champagne amène ce côté très gourmand et accentue la sauce XO, les épices. La puissance du dosage apaise un peu tout ça et accompagne la texture de l'écrevisse.»
Vivement Noël. Une cuvée d’exception, que le natif d’Ajaccio ne se lasse pas de déguster: «C’est un champagne qui a ce côté crémeux et crayeux du chardonnay, mais tout en gardant ses profils ligneux et puissants du pinot noir. Ça ramène pas mal de profondeur avec le temps, et je trouve que chaque fois qu’on déguste, on reprend autant de plaisir.»
Photos: Darrin Vanselow

