L'Espresso Martini, cocktail qui réveille

La qualité avant tout. Un excellent expresso s'avère indispensable à la préparation. Car la qualité d'un Espresso Martini ne se mesure qu'à la lumière de celle de ses ingrédients. Y compris celle de sa liqueur. Longtemps utilisé, le Kahlua, de plus en plus sucré, n'a plus la faveur de nombreux barmans. Fabien Theisgen lui préfère désormais la liqueur de café LVX, «pour moi la meilleure sur le marché, devant même les excellents produits australiens. Et en plus, elle est produite à Genève!» Il l'utilise notamment dans sa réinterprétation du cocktail, le LRG Espresso Martini, une version préparée avec un café cold brew et qui favorise un profil aromatique plus végétal et plus fruité. Sa version n'est pas si éloignée de l'original. «Pas besoin de trop modifier la recette, car c'est un classique intemporel, précise Fabien Theisgen. Contrairement aux recettes saisonnières à base de fruits, on peut le préparer toute l'année, du petit-déjeuner à la fin de la soirée.»

Se réveiller, puis se défoncer. Mais revenons à notre histoire. Avant de s'appeler Espresso Martini, le cocktail se nommait Vodka Espresso. Il est né dans les années 1980 au Soho Brasserie, un chic bar à cocktail londonien. Selon les dires du père de cette boisson, le bartender Dick Bradsell, dans une interview donnée en 2013 au site Cocktail Lovers: «À la fin des années 1980, à la Soho Brasserie, une jeune mannequin américaine m'a demandé une boisson qui 'la réveille avant de la défoncer' ['wakes me up and then fucks me up']. La machine à café se trouvait juste à côté de mon poste de travail. J'ai alors mélangé une double dose de vodka, du Kahlua, du Tia Maria [une liqueur de café] et du sucre, le tout shaké avec un café très, très fort. C'est ainsi qu'est né le Vodka Espresso, qu'on servait on the rocks». Plus tard, dans les années 1990, Dick Bradsell a servi son Vodka Espresso straight, autrement dit sans glace, et dans un verre à martini à la forme caractéristique en V, en vogue à cette époque. Et c'est ainsi que le Vodka Espresso est devenu l'Espresso Martini.

Mystère. Barman parmi les plus influents du Royaume-Uni, Dick Bradsell était un homme respectable qui plaçait la confidentialité de ses clients au-dessus de tout. «Ce qui se passe au bar ne sort pas du bar», résume Fabien Theisgen. De fait, l'Anglais n'a jamais révélé qui était cette fameuse top model fatiguée. «Certains ont spéculé que c'était Naomi Campbell. Mais elle aurait eu 13 ans à l'époque», relève Fabien Theisgen. Celle-ci est par ailleurs Britannique, et non Américaine. D'autres avancent le nom de Kate Moss, qui était alors encore plus jeune. Dick Bradsell est décédé d'un cancer en 2016. Comme toutes les bonnes histoires de cocktail, celle de l'Espresso Martini restera à jamais nimbée de mystère.

Photos: Magali Girardin, DR