Genre! Genrés, les cocktails? Une idée reçue voudrait que les femmes préfèrent les cocktails colorés, fruités et sucrés, tandis que leurs homologues masculins pencheraient davantage vers les boissons de bonhommes. Sèches. Fortes. Puissantes. Balivernes, évidemment: hommes et femmes sont tout à fait capables d'apprécier les mêmes boissons!
Cocktail pour hommes. Certains cocktails, toutefois, sont étroitement liés au genre. Le Clover Club en fait partie. D'abord réservé aux hommes, ce breuvage est tombé en désuétude avant de connaître une deuxième vie auprès des femmes… puis de renaître, apprécié de tous!
Complètement sour. Le Clover Club repose sur la combinaison de gin et de framboise, auxquels on ajoute du jus de citron et du blanc d'œuf, ce qui en fait un cocktail de type sour. «Le Clover Club est un cocktail à la douceur fruitée, il combine le côté frais et acidulé de la framboise à la texture douce et moelleuse d'un sour. C'est vraiment un bon cocktail d'été», décrit Fabien Theisgen, responsable des bars à l'hôtel La Réserve, à Genève.
Fabien Theisgen, responsable des bars de La Réserve Genève, propose une version twistée à la suisse, avec de la crème double.
Rose et blanc. Les framboises donnent au Clover Club sa belle couleur rose, plus ou moins pâle selon les variétés de fruits ou les sirops utilisés. Une belle mousse blanche coiffe la boisson, habituellement servie dans une coupette. Ce sont ces couleurs qui ont façonné l'histoire de ce cocktail, dont les origines restent confuses. Celui-ci aurait été inventé dans un club privé du même nom, fondé en 1882 à Philadelphie. Les premières traces écrites de sa recette remontent à 1901 pour certains, 1909 pour d'autres, selon les sources. Si des doutes subsistent, c'est notamment parce qu'un autre cocktail très similaire, le Clover Leaf, pourrait l'avoir inspiré. A moins que ce ne soit l'inverse…
Réservé aux hommes. Toujours est-il qu'en ce début de XXe siècle, seuls les hommes boivent ce cocktail, et pour cause: le club est réservé aux hommes. S'y retrouvent notables, journalistes, avocats et autres banquiers, venus échanger autour d'un verre ou d'un repas. «A cette époque, la couleur rose était une couleur appréciée des hommes, qui l'associaient au raffinement et à l'élégance», note Fabien Theisgen. Lorsque ces messieurs commencèrent à délaisser le rose, jugé trop féminin, à partir des années 1930, le Clover Club tomba en désuétude.
Le Clover Leaf est un cocktail similaire, mais avec une feuille de menthe posée sur la mousse. Ici, dans un ouvrage de 1908, «Jack's Manual».
Le Clover Club a connu sa renaissance dans un bar éponyme, à Brooklyn, en 2008.
Renaissance. C'est à cette époque que les rares femmes qui pouvaient sortir pour se divertir commencent à s'approprier le Clover Club. De manière toutefois confidentielle. Ce n'est que dans les années 2000 que le cocktail connaît une véritable renaissance, à l'image du Clover Club deuxième du nom, un bar à cocktail ouvert en 2008 à Brooklyn par la bartender Julie Reiner, en hommage à celui de Philadelphie. L'établissement à l'éclairage tamisé rappelle les ambiances de la fin du XIXe siècle avec boiseries, canapés capitonnés et lourds rideaux de velours. «C'est elle qui a contribué à remettre le Clover Club au goût du jour», confirme Fabien Theisgen. Signe de la perpétuelle évolution des recettes, on y trouve une version modernisée avec du vermouth sec.
Du gin et des fruits. Dans son bar du restaurant Le Loti à La Réserve, Fabien Theisgen conseille le Clover Club aux clients désireux d'une boisson fruitée contenant du gin. Pour les plus connaisseurs, il a réinterprété le Clover Club en un cocktail à base vodka à la verveine, avec de la framboise: l'Edelweiss, appréciées par les hommes et les femmes, sans distinction.
Photos: Magali Goumaz, Clover Club NY