«Sommelière de l'année» 2026. «Les gens qui font la gueule, j'aime pas, sourit Charline Pichon. J'ai beaucoup de défauts, mais je suis souriante et joviale, j'aime être heureuse.» C'est effectivement grand sourire - et dans un costume rouge vif contrastant les nuages pluvieux du jour - que la cheffe sommelière du restaurant de l'Hôtel de Ville de Crissier nous a donné rendez-vous dans un petit carnotzet à Treytorrens (VD), sous les vignes de Lavaux. Celle qui a reçu lundi 6 octobre le titre de «Sommelière de l'année» 2026 semble être chez elle dans cet espace appartenant à la famille de son ami, David Goumaz, dont le père produit deux grands crus nommés Terra 9116 - avec l'aide de Blaise Duboux.

Hotel de Ville Crissier

Le restaurant de l'Hôtel de Ville, à Crissier, affiche 19 points depuis des décennies.

Inspiration Violier. À tout juste 32 ans, Charline Pichon tutoie les sommets. Cheffe sommelière à Crissier depuis près de trois ans (en binôme jusqu'à l'hiver dernier avec Thibaud Gardette, désormais au Casino de Morges), elle œuvre dans l'établissement depuis bientôt huit ans. Et ce restaurant, la native d'Angoulême, en Poitou-Charentes, voulait vraiment y travailler. Plus précisément, elle voulait travailler pour Benoît Violier. «Je voyais de loin ce qu'il faisait à Crissier, j'estimais cette maison mythique et son énorme aura. Malheureusement, mon parcours m'y a emmenée trop tard pour œuvrer aux côtés de Monsieur Violier. J'ai postulé une première fois en 2017, mais il n'y avait pas de place. Quand le sommelier d'alors, Mathieu Quetglas (qui deviendra «Sommelier de l'année» 2022), est parti, en janvier 2018, on m'a rappelée.» Un coup du destin pour Charline Pichon.

Charline Pichon Sommelière de l'année 2026 et cheffe sommelière au restaurant de l'Hôtel de Ville de Crissier

Charline Pichon dans la cave de l'Hôtel de Ville de Crissier: sa deuxième maison!

Enfance dans la vigne. Née dans «une famille simple», avec un grand-père vigneron qui l'emmenait avec lui dans ses vignes, Charline Pichon s'est véritablement prise de passion pour le vin lors de sa mention complémentaire en sommellerie. «Je me souviens de ces vendanges lors desquelles, enfant, j'enfilais une grande salopette et j'allais écraser le raisin, sourit-elle. Cela était écrit. Après ma formation, j'ai tout de suite voulu apprendre sur le terrain, j'avais soif de connaissances.» Elle s'en va alors pour faire l'ouverture de l'hôtel Rydges Sydney Airport, passe une saison au Belvédère à Porto-Vecchio, en Corse, puis embarque pour quatre années au Domaine Les Crayères, à Reims. C'est de là qu'elle partira pour la Suisse.

 

Libre et en confiance. «Aujourd'hui, je suis très heureuse de mon poste, qui me donne énormément de liberté, reprend Charline Pichon. Le chef Franck Giovannini me fait confiance à 100%, ma seule limite est le budget que l'on me donne pour les vins.» La seconde limite que l'on pourrait trouver - ou fil rouge, plutôt - serait la clientèle. Car comme la cheffe sommelière le dit si bien, «le plus important est de connaître ses clients». Et dans le meilleur restaurant de Suisse, certains sont pointilleux…

Charline Pichon Sommelière de l'année 2026 et cheffe sommelière au restaurant de l'Hôtel de Ville de Crissier

La sommelière a opté pour trois crus différents: le Terra 9116 de son beau-père, assemblage de chasselas et merlot vinifié par Blaise Duboux, un champagne Krug «les meilleurs parmi les grandes maisons», ainsi qu'un pinot noir Gevrey-Chambertin d'Arnaud Mortet, vigneron qu'elle apprécie.

Charline Pichon Sommelière de l'année 2026 Hôtel de Ville de Crissier

«On se doit d'être la vitrine des vignerons, qui donnent du temps, de l'énergie, et beaucoup de cœur à l'ouvrage. C'est un honneur de le faire», se réjouit Charline Pichon.

Vive le vin suisse! «J'ai tissé une relation privilégiée avec les clients, dont 90% sont des habitués», continue Charline Pichon. La trentenaire trouve aussi beaucoup de bonheur dans la découverte de nouveaux flacons, ce qu'elle a la chance de pouvoir faire (presque) au quotidien. «Je n'ai jamais autant dégusté de vins que depuis que je travaille ici, c'est une chance inouïe, se réjouit-elle. Résultat, une carte très diversifiée dans laquelle «tout le monde doit trouver son bonheur», et dont plus de 50% des ventes sont de vin suisse.

 

Harpe ou piano? La semaine, évidemment, le crachoir est de mise. «Je profite le weekend, lorsque je peux aussi partager ces moments-là, reprend-elle. Car pour moi, il n'y a aucun intérêt à boire du vin s'il n'est pas partagé.» Les jours de congé, c'est aussi le moment pour celle qui vit proche en Lavaux de se mettre au piano. «Petite, je souhaitais jouer de la harpe, c'est selon moi le plus bel instrument de musique! Je me suis finalement mise au piano il y a un peu plus de deux années, charmée par les créations du compositeur italien Ludovico Einaudi.» 

Charline Pichon Sommelière de l'année 2026 Hôtel de Ville de Crissier

«Les gens qui font la gueule, j'aime pas», sourit la sommelière.

Sport et chasse. Entre une dégustation, un morceau de piano et un service au restaurant, Charline Pichon trouve encore le temps de se dépenser. Elle pratique depuis plus d'une année, deux à trois fois par semaine l'hyrox, ce mix de course à pied et d'exercices fonctionnels. De quoi souffler tout en maintenant un certaine discipline. Et ce n'est pas tout, elle s'adonne aussi au ball trap depuis le décès de son grand-père il y a quelques années. «Lui et moi étions très proches, mais il a toujours refusé que je l'accompagne à la chasse, regrette-t-elle. À son décès, mon oncle m'a offert le fusil de mon grand-père, c'est à ce moment-là que j'ai débuté.» Aujourd'hui, Charline Pichon ne va pas à la chasse, car même si elle en aime le côté nature, elle ne saurait se résoudre à tuer un animal. Il ne faudrait pas qu'elle fasse la gueule.

 

Le restaurant de l'Hôtel de Ville à Crissier

 

Photos: Darrin Vanselow, Sedrik Nemeth