La Table de Mary

Il est près de minuit dans la simple mais conviviale salle à manger des Nozahic. Loïc apporte quelques pâtes de fruits aux coings, cueillis non loin de là, et l’addition, glissée dans une coquille Saint-Jacques vide. Normal, il s’agit de l’un des produits fétiches de son épouse, Maryline, connue et reconnue loin à la ronde. Année après année, la cheffe se réinvente, surprend, tout en gardant sa ligne directrice: une cuisine généreuse, savoureuse, saisonnière et sans fioriture.
Le dessert autour de la rhubarbe, reçu quelques minutes plus tôt, en est un parfait exemple. Il y a là une compotée, un sorbet et un soufflé chaud dans lequel Loïc verse un coulis de fraises: gourmand et aérien. Mais c’est dans le registre salé que Maryline excelle. A l’image de cette délicate lotte de Bretagne rôtie au curcuma, escortée d’une tatin d’aubergines joliment réalisée. La sauce lait de coco-citronnelle-curry rehausse le goût du poisson sans le masquer. Moins enthousiasmant, le veau en cuisson lente cohabite avec des asperges vertes et blanches, des morilles fraîches et une polenta blanche cuite au feu de bois: un ensemble déséquilibré et assez lourd.
Il en va tout autrement, en entrée, du maigre de Noirmoutier, cru, juste mariné, qui s’accompagne de légumes du marché, d’une onctueuse mousseline de carottes et d’une tonique sauce orange-fenouil. Autre association réussie, celle du foie gras cuit au torchon et des radis blancs façon millefeuille. Le tout relevé par du poivre de Malabar et par des cerises pour la note sucrée. Plus tôt, pour se mettre en appétit, l’amuse-bouche, servi ce jour-là sur la belle terrasse d’où l’on devine le lac de Neuchâtel, séduit par sa fraîcheur. Il s’agit d’une verrine réunissant cabillaud, ratatouille confite et lentilles vertes. C’est aussi le moment de piocher dans la carte des vins, truffée de trésors vaudois et neuchâtelois à prix aimables. On aimerait alors remonter le temps ou, mieux, revenir prochainement.