Café des Banques
Il a longtemps été le plus jeune chef étoilé de Suisse, un talent peaufiné durant une dizaine d’années dans l’élégant Flacon carougeois. Yoann Caloué est désormais chez lui. Nichée dans une ruelle du quartier des affaires, l’adresse qu’il a reprise il y a un an a gardé son nom d’origine, mais elle a été entièrement rafraîchie avec sa cuisine ouverte sur la salle où une immense table de chef fait office de passe-plat. On aperçoit le jeune Normand et sa brigade affairés aux savants dressages sous les yeux des clients avant de grimper à l’étage pour profiter du calme feutré de la bibliothèque. Sur la nappe, en guise d’amuse-bouche, un petit bol avec trois fois rien, forme de haïku gustatif comme une invitation à porter attention à la saveur de chaque ingrédient. Une pichenette de brocoli cru, le même légume cuit, en pommade, une morce de burrata, quelques dés de tomate, une lichette d’espadon fumé et des larmes d’huile de piment d’un beau rouge vif. Le tout est parsemé de pousses de basilic à la saveur électrisante. Ça pourrait s’appeler «Matin au jardin, volutes de feu de bois, la mer au loin». La cuisine de Yoann Caloué est poétique, élégante, délicate. Elle sait raconter une histoire, réserver des surprises, créer l’harmonie. Cet équilibre se retrouve dans chacun des plats proposés à la carte. Prenez ce carpaccio de bar en camaïeu de blanc et de vert dont la mosaïque s’égaie de lamelles d’avocat pour le soyeux, de concombre pour la fraîcheur, d’infimes brindilles de radis noir pour le piquant. Le tout est brodé de pétales de pensées et de touches de myoga, un gingembre japonais d’une grande finesse. Quelle fraîcheur, quel ravissement! Même bonheur avec ces gyozas, raviolis à la mode japonaise, qui offrent une joue croquante et l’autre fondante. Ils sont gorgés d’une effilochée de queue de bœuf et s’accompagnent de rubans de céleri al dente ou en crème onctueuse, de pétales d’oignon finement acidulés, d’un jus relevé de vinaigre balsamique. Plus classique mais tout aussi exquise, la pomme de ris de veau escalopée fond sur la langue, là où les noisettes croustillent. Elle est soulignée d’un velours sombre haut en saveur. Morilles et asperge blanche lui font une fête. Car ici les légumes ne jouent pas les seconds rôles. L’endive caramélisée qui suit sert d’exemple. Elle est assortie d’un pavé de cabillaud skrei laqué au miso, à la cuisson un brin appuyée, qui s’abandonne sous la fourchette, accompagné de quelques lamelles d’artichaut et d’un toupet d’algues vert vif tatouées de pétales orangés. C’est bourré de saveurs et ultra-léger. Les desserts, un peu trop doux? N’empêche, on admire cette marguerite aux pétales rosis. Y plonger sa cuillère, c’est traverser une corolle de mousse à la noisette à la texture de soie pour tomber sur une compotée de fruits de la passion couchée sur une pâte sablée aussi fine que beurrée. Qu’on éteigne la musique et remplace les fleurs en tissu par de vrais bouquets, et le plaisir sera complet.
Il a longtemps été le plus jeune chef étoilé de Suisse, un talent peaufiné durant une dizaine d’années dans l’élégant Flacon carougeois. Yoann Caloué est désormais chez lui. Nichée dans une ruelle du quartier des affaires, l’adresse qu’il a reprise il y a un an a gardé son nom d’origine, mais elle a été entièrement rafraîchie avec sa cuisine ouverte sur la salle où une immense table de chef fait office de passe-plat. On aperçoit le jeune Normand et sa brigade affairés aux savants dressages sous les yeux des clients avant de grimper à l’étage pour profiter du calme feutré de la bibliothèque. Sur la nappe, en guise d’amuse-bouche, un petit bol avec trois fois rien, forme de haïku gustatif comme une invitation à porter attention à la saveur de chaque ingrédient. Une pichenette de brocoli cru, le même légume cuit, en pommade, une morce de burrata, quelques dés de tomate, une lichette d’espadon fumé et des larmes d’huile de piment d’un beau rouge vif. Le tout est parsemé de pousses de basilic à la saveur électrisante. Ça pourrait s’appeler «Matin au jardin, volutes de feu de bois, la mer au loin». La cuisine de Yoann Caloué est poétique, élégante, délicate. Elle sait raconter une histoire, réserver des surprises, créer l’harmonie. Cet équilibre se retrouve dans chacun des plats proposés à la carte. Prenez ce carpaccio de bar en camaïeu de blanc et de vert dont la mosaïque s’égaie de lamelles d’avocat pour le soyeux, de concombre pour la fraîcheur, d’infimes brindilles de radis noir pour le piquant. Le tout est brodé de pétales de pensées et de touches de myoga, un gingembre japonais d’une grande finesse. Quelle fraîcheur, quel ravissement! Même bonheur avec ces gyozas, raviolis à la mode japonaise, qui offrent une joue croquante et l’autre fondante. Ils sont gorgés d’une effilochée de queue de bœuf et s’accompagnent de rubans de céleri al dente ou en crème onctueuse, de pétales d’oignon finement acidulés, d’un jus relevé de vinaigre balsamique. Plus classique mais tout aussi exquise, la pomme de ris de veau escalopée fond sur la langue, là où les noisettes croustillent. Elle est soulignée d’un velours sombre haut en saveur. Morilles et asperge blanche lui font une fête. Car ici les légumes ne jouent pas les seconds rôles. L’endive caramélisée qui suit sert d’exemple. Elle est assortie d’un pavé de cabillaud skrei laqué au miso, à la cuisson un brin appuyée, qui s’abandonne sous la fourchette, accompagné de quelques lamelles d’artichaut et d’un toupet d’algues vert vif tatouées de pétales orangés. C’est bourré de saveurs et ultra-léger. Les desserts, un peu trop doux? N’empêche, on admire cette marguerite aux pétales rosis. Y plonger sa cuillère, c’est traverser une corolle de mousse à la noisette à la texture de soie pour tomber sur une compotée de fruits de la passion couchée sur une pâte sablée aussi fine que beurrée. Qu’on éteigne la musique et remplace les fleurs en tissu par de vrais bouquets, et le plaisir sera complet.