Texte: GaultMillau Suisse
Sympas les gars. Interviewer des jumeaux n'a rien d'une sinécure. Essayez de prendre des notes: on ne sait jamais qui a dit quoi! Pas cette fois, heureusement: les «twins» d'Andermatt, Dominik Sato et Fabio Toffolon (grande photo ci-dessus), ont l'excellente idée d'avoir enfilé leurs vestes brodées de leurs noms pour cuisiner lors des soirées QChef, organisées avec Qoqa. Merci messieurs!
À la conquête de la Romandie. Nous en parlions récemment: Fabio et Dominik sont parmi les meilleurs chefs de Suisse. Leur Japanese Restaurant, sis dans le prestigieux Swiss Deluxe Hotel The Chedi à Andermatt (UR), a décroché 18 points et 2 étoiles en un rien de temps, grâce à une cuisine mêlant gastronomies française et japonaise. Ces stars en Suisse alémanique étant moins célèbres chez les Romands, ils ont été conviés par Qoqa à donner mi-mai une série de dîners à Bussigny (VD). «On se réjouit de faire découvrir notre cuisine au public romand», sourit Dominik Sato, rencontré peu avant le dîner du 15 mai.
A Bussigny, les jumeaux Dominik et Fabio ont du s'adapter pour cuisiner pour un plus grand nombre de clients que dans leur restaurant à Andermatt.
Avantage du Stamm de Qoqa: une atmosphère cool et conviviale qui rassure la clientèle intimidée par les grands restaurants.
Plancha contre binchotan. Même si les cuisines du Stamm de Qoqa sont spacieuses et fort bien équipées, elles demandent une certaine souplesse aux chefs invités. Les jumeaux l'ont compris, mais ils ont tenu à proposer un menu aussi fidèle que possible à ce qu'ils ont l'habitude de servir à Andermatt. «Au Chedi, nous cuisons viandes et poissons au binchotan, le barbecue japonais, mais ce n'est pas possible ici, alors on doit se contenter d'une plancha», s'excuse Dominik. «On perd quelques saveurs liées au charbon, mais les plats restent très proches de ce que nous servons habituellement», précise Fabio.
Rock'n'roll: le service est précis et attentionné. Mais le staff sait mettre à l'aise!
Huître et dashi. Si les deux chefs servent habituellement des menus de type omakase dans leur petit restaurant, ils ont cette fois opté pour un menu unique, les soirées Qchef étant généralement courues par 50 à plus de 100 personnes. En entrée, une superbe huître au beurre blanc et bouillon dashi a donné une excellente démonstration de leur talent, avec un très juste équilibre entre la fraîcheur et la rondeur. Le tartare de saumon était autrement plus asiatique, avec ses pousses de mioga, un gingembre japonais dénué de notes piquantes, lesquelles étaient toutefois apportées par une sauce au sésame et wasabi, avec quelques billes de citron caviar.
Huître Gillardeau à la pomme, ponzu et beurre blanc, dashi: une démonstration de l'univers culinaire franco-japonais des deux twins.
Leur plat signature: langoustine au miso, asperges, sauce aux agrumes.
Puissance et élégance. Mais attention: la cuisine des deux frangins n'est pas vraiment japonaise, précisent-ils. «Nos plats ont une base typiquement française, à laquelle on ajoute des éléments nippons», explique Dominik. Ils n'hésitent pas à marier ainsi bouillon dashi et beurre blanc, ou à remplacer le vin par le saké, et vice et versa. Quant à la difficulté de marier ces deux philosophies culinaires fort différentes, les jumeaux en ont fait un atout. «Nous choisissons de concentrer certaines saveurs, comme dans la cuisine française, tandis que nous laissons à d'autres goûts une certaine subtilité, comme dans la cuisine japonaise. Le tout est de trouver le bon équilibre entre puissance et élégance», assure Fabio.
Plus asiatique que français, le tartare de saumon inclut du gingembre mioga.
Ne comptez pas sur les frères pour rester en retrait: ils cuisinent vraiment sous les yeux des convives.
Le bœuf wagyu grillé, avec une huile de sésame, ail et piment, et des légumes sautés.
Objectif 19 points? Détendus, souriants en cuisine, Dominik et Fabio semblent avoir une certaine complicité avec leur brigade. Ils ne sont manifestement pas de ces chefs qui se contentent d'aboyer des instructions ou de signer des assiettes. Jeudi, on les voyait occupés à cuire des steaks de bœuf wagyu ou faire sauter des légumes, au milieu de leurs collègues. Le wagyu, justement, était accompagné d'un jus de veau réduit, d'une huile de sésame à l'ail et au piment, et de quelques légumes délicatement sautés, parmi lesquels baby brocolis et pleurotes. Un plat de type stir-fry, presque street food, la qualité des ingrédients et le dressage élégant en plus. Avec cette série de dîners, les «twins» espèrent attirer un public romand dans leur restaurant. Avant, pourquoi pas, d'aller chercher un dix-neuvième point, voire une troisième étoile? «C'est dans nos objectifs, reconnaissent les deux frères. Et pourquoi pas ouvrir d'autres restaurants ensuite.» D'accord, mais en Suisse romande?
Le Japanese Restaurant à Andermatt
Photos: Darrin Vanselow
