Texte: Siméon Calame | Photos: Sedrik Nemeth

La déco qui tue. L’espace d’un jour, le golf de Loèche, à Susten (VS), avait des airs de Café Suisse, la table de Marie Robert (16/20), à Bex. Car dimanche 17 septembre, la «Cuisinière de l’année» 2019 faisait partie des douze chefs (répartis entre dimanche et lundi) à réjouir les palais de plus de 230 golfeurs lors de l’un des «Parcours Gourmands» organisés par l’Association suisse des golfeurs indépendants (ASGI), dirigée par le secrétaire général Pascal Germanier. Et Marie Robert a fait du Marie Robert: «On peut décorer notre stand comme on le souhaite, alors j’ai invité Ludo, le graffeur qui twiste notre restaurant, pour qu’il donne un coup de peps à cette tente blanche», souriait-elle. Résultat, Ludovic Olivo a réalisé une grande toile représentant une taupe sur une voiturette de golf devant un parcours de golf. Mais avant cela, il est passé chez Pierrick Suter (17/20) pour graffer toute une face intérieure de la tente: «C’est aussi pour cette ambiance bon enfant que l’on vient, sourit le chef de l’Auberge de la Gare à Lucens. On voit autre chose, ça fait du bien.» Pierrick Suter que l’on pouvait apercevoir le lundi un club de golf à la main, passant de l’autre côté des fourneaux.
(Photo ci-dessus: Marie Robert et l'œnologue Gilles Besse)

Une rencontre de copains. Marie Robert et Pierrick Suter, tous deux membres des Jeunes Restaurateurs d’Europe et des Grandes Tables de Suisse, sont ensuite passés dans les autres tentes pour discuter et rigoler avec les collègues, notamment Franck Giovannini (19/20, Restaurant de l’Hôtel de Ville, Crissier) et Romain Dercile (17/20, La Fleur de Sel, Cossonay), dont les tentes sont situées à côté du clubhouse. Alors que le «Cuisinier de l’année» 2018 servait sa soupe de poissons du Léman aromatisée à l’herbe royale et accompagnée de courgettes craquantes au pesto et de rillettes aux aromates, le successeur de Carlo Crisci retravaillait son ciselé de veau signature, fumé au sarments de vigne. Toujours très accueillant et proche de ses clients, Pierrot Ayer (17/20, Le Pérolles, Fribourg) déclinait le pigeon et les champignons, tandis qu’Urs Messerli dévoilait un filet d’omble fumé à chaud et sa déclinaison de betteraves multicolores, d’une grande beauté.

La force de l’expérience. Lundi matin, sous une brume insistante, le responsable marketing de Léguriviera Groupe Patrice Matthey accueillait les premiers golfeurs avec des jus de légumes vitaminés, tandis que sous la tente attenante, Valérie Peyre, des thés Chanoyu, avait plus de succès avec sa dizaine de sortes de thés chauds. Pour Nicole Messerli, responsable des événements de l’ASGI, cette journée s’annonçait complexe, car cinq des six chefs présents l’étaient pour la première fois. Franck Reynaud, lui, cuisine lors des Parcours Gourmands depuis le premier jour, en 2007. Le chef de l’Hostellerie du Pas-de-l’Ours (18/20), à Crans-Montana, a misé sur un plat stratégique en plus d’être excellent: «Les golfeurs ne sont pas là pour se prendre la tête, ils veulent une assiette gourmande et rassurante», explique le fringant chef. Ainsi son tendrissime veau rôti au foin d’alpage coiffé d’un sérac à l’ail noir et d’un pickle d’oignon rouge, et adjoint d’un inattendu moelleux de bolet à la marjolaine.

Il vient avec tout son restaurant! De l’habitué au néophyte, il n’y a qu’un pas. Un néophyte tout de même «Découverte de l’année», car c’est bien Gilles Varone que l’on retrouve sous la même tente que Franck Reynaud. Et si Marie Robert a fait du Marie Robert, Gilles Varone a fait du Gilles Varone, en prévoyant tout jusqu’au moindre détail, emmenant toute son équipe «pour assurer un service parfait», apportant des portes-couverts et préparant même une fiche de présentation du restaurant. «La cuisine est presque plus grande que celle de Savièse!», souriait le chef en dressant un filet de baudroie sur un lit de crémeux au pain de seigle et de gel de pruneau, complété de pain de seigle en brunoise croquante et en mini lamelles craquantes, de pruneau mi-cuit et d’une fantasmagorique sauce au miso. «On est resté dans la famille pour les vins, car Dany Varone, du Domaine Cornulus, est un cousin de Gilles», s’amusait la sommelière Valentine Luyet.

Le coup de la panne chez Paillereau et Foare. Plus loin, sous une même tente, Martin Bieri (Chlösterli, Grund bei Gstaad) et Arno Sgier (17/20, Traube, Trimbach) ont fait le bonheur d’une quinzaine de golfeurs arrêtés une demi-heure sous leur tente lorsqu’une pluie horizontale inondait tout le terrain de golf, servant respectivement un boeuf bouilli aux légumes et à la truffe, et un raviolo au safran sur sa bouillabaisse revisitée. Ne restait alors qu’à rendre visite à Romain Paillereau (17/20, Les Trois Tours, Bourguillon) et à Fabien Foare (15/20, Millennium, Crissier), qui ont subi une longue panne de courant à la suite de la tempête… Le temps pour la brigade de Paillereau de croquer dans des sandwichs, avant de se remettre à servir… des sandwichs. Evidemment d’un autre niveau, farcis de brochet et servis avec une sauce Noilly Prat et un condiment à l’orange: fabuleux! De son côté, le Meilleur ouvrier de France charcutier-traiteur dévoilait des artichauts pluriels (en chips, en purée et rôtis) pour accompagner un bar de ligne et sa puissante émulsion aux câpres.Qui a dit que la haute gastronomie ne pouvait pas sortir de ses murs?