Propos recueillis par Siméon Calame | Photos: Thomas Buchwalder, Olivia Pulver, François Wavre / lundi13, Sedrik Nemeth

Bon anniversaire, Valrose! Il y a deux ans s’ouvraient à Rougemont les portes du Valrose (18/20) de Benoît Carcenat, «Cuisinier de l’année 2023» et membre des Grandes Tables de Suisse. Un établissement qui a ensuite ébloui la Suisse grâce à sa gastronomie exploratrice et raffinée. Avec sa franchise habituelle ponctuée de rires francs, son chef et Meilleur Ouvrier de France est revenu sur deux ans de succès aux côtés de son épouse Sabine et de son directeur de restaurant et «Sommelier de l’année 2021», Mathieu Quetglas.
(Grande photo ci-dessus: le chef Victor Moriez, Benoît Carcenat et le chef pâtissier Josselin Jacquet)

 

Benoît Carcenat, avec tous ces succès, vous ne semblez pas prendre la grosse tête.

Benoît Carcenat: À quoi bon? De toute manière, les récompenses nous précèdent, elles appartiennent à celles et ceux qui les donnent. C’est un résultat pour lequel nous n’avons qu’une influence: bien travailler et toujours nous améliorer.

Sabine Carcenat: De plus, nous ne sommes là que depuis deux ans, ce n’est absolument rien! Nous restons petits et nous nous devons de garder l’humilité qui va avec. Certains ont tendance à comparer le Valrose à d’autres grandes tables, mais les situations, les directions et les histoires sont tellement différentes que ce n’est à nos yeux pas pertinent.

 

Tout de même. «Cuisinier de l’année», «Sommelier de l’année», Cuisinier d’Or, Médaille d’Or de Vinum, une étoile Michelin… Il y a de quoi être fiers, non?

BC: Bien sûr! Et on se sent vraiment privilégiés. Nous avons vécu deux années fantastiques, ponctuées de nombreux moments inoubliables. Mais nous gardons les pieds sur terre: notre objectif premier est de faire plaisir à nos clients et à nous-mêmes. C’est évidemment gratifiant de recevoir des récompenses, mais ce n’est pas elles qui vont créer les recettes (rires).

 

Vous parlez de moments inoubliables, lesquels par exemple?

BC: Le jour de l’ouverture et celui où l'on nous a annoncé le titre de «Cuisinier de l’année», bien sûr. Mais aussi la Garden Party du GaultMillau de l’été dernier. Et tous ces clients qui partagent leurs émotions avec nous. Constater que la cuisine que l’on fait parle aux autres, c’est l’un des meilleurs compliments qu’un cuisinier puisse recevoir.

Shaun Rollier Cuisinier d'Or 2023

Shaun Rollier, Cuisinier d'Or 2023, lors de l'annonce des résultats le 5 juin dernier, a encore étendu l'emprise du Valrose sur la scène gastronomique romande.

Valrose Mathieu Quetglas Sommelier de l’année

Sommelier de l'année 2022, Mathieu Quetglas a récemment remporté une médaille d'or de Vinum pour la carte des vins de l'établissement.

Mathieu Quetglas, vous avez eu la lourde charge de créer une carte des vins en partant de zéro. Et vous avez reçu le titre de Sommelier de l’année trois mois plus tard. Un sacré succès!

Mathieu Quetglas: Oui, et je préciserai que c’est une chance extraordinaire pour un sommelier d’avoir cette opportunité de partir d’une feuille vierge. J’ai vraiment pu faire ce travail de recherche, de référencement, de découverte de petits vignerons… Après deux ans, nous comptons 940 références à la carte, et un millier de bouteilles dans la cave de vieillissement.

 

Des chefs sont-ils venus s’attabler au Valrose?

BC: Oh oui, énormément. Et cela fait plaisir d’en rencontrer ici, de pouvoir échanger, car il est rare que nous puissions aller nous-mêmes au restaurant… Franck et Stéphanie Giovannini sont même venus fêter leur vingt ans de mariage!

 

Quelle personnalité souhaiteriez-vous voir pousser les portes de votre établissement?

SC: Mes parents sont de grands amateurs d’opéra, et au vu de la proximité avec le Menuhin Festival, à Gstaad, j’espère chaque été accueillir Jonas Kaufmann, ténor allemand. (Elle se tourne vers son époux) Et il est vrai qu’accueillir Roger Federer serait un grand moment dont nous aurions très envie!

Benoit Carcenat, Restaurant Valrose 2022: Sabine Carcenat, Hoteldirektorin Kinder: Gaspar (1 1/2), Agathe (4)

Le «Cuisinier de l'année» en famille, avec son épouse Sabine et ses enfants: Gaspard, deux ans, et Agathe, cinq ans.

Benoit Carcenat, Restaurant Valrose 2022: Sous-Chef Victor Mories Chef de Patisserie Josselin Jacquet

Son chef Victor Moriez (à g.) et son chef pâtissier Josselin Jacquet (à d.) sont des «éléments centraux sans qui rien ne serait possible».

Le Valrose est un lieu de fête, où certains ne comptent pas. À combien s’élève la plus haute addition facturée durant ces deux ans?

BC: 14’000 francs à six. C’est drôle, parce que c’était un midi de semaine, et c’étaient les seuls clients durant ce service! Ils ont bien compensé les autres tables vides. Et si on pouvait en avoir une ou deux par semaine, de ces additions… (rires)

 

Continuons à parler chiffres… Vous avez la chance d’être soutenu financièrement depuis le début par un mécène. Que répondez-vous aux restaurateurs qui disent que «c’est de la triche»?

SC: Il faut savoir que dans cette maison, pas un franc n’est jeté par la fenêtre. Car même si nous bénéficions effectivement d’un soutien important, sans qui nous ne pourrions pas être là où nous sommes actuellement, nous tenons à ce que notre entreprise soit saine. Il n’y a pas de démesure dans nos dépenses. De toute manière, si nous voulons offrir des prestations de qualité, nous nous devons d’avoir une gestion parfaite. Mais il est certain que lesdites prestations coûtent cher.

Benoit Carcenat, Hotel-Restaurant Valrose, Rougemont, VD

Le Valrose, à côté de la gare de Rougemont.

Benoit Carcenat, Restaurant Valrose 2022: Frittierte Langoustine mit Krustentier, Langoustinenjus, Kakao, Kakao-Gel, Artischockenpüree, Artischockensalat

À la Table gastronomique, des plats ciselés et innovants.

Vous changez votre carte toutes les six semaines. Arriverez-vous à tenir ce rythme sur la durée?

BC: On l’a fait treize fois, on va arriver à le faire 250! (rires) Plus sérieusement, si ce challenge de six semaines est tenable, il sera amené à évoluer selon les saisons. Mais le rythme, on va le tenir! C’est notre pari et c’est ce qui fait aussi notre succès. Peut-être que certains plats reviendront. Je ne voulais pas le faire, mais en discutant avec l’équipe, on se dit que certaines recettes, comme le cèpe, étaient vachement bien! Une chose est certaine: inventer des recettes n’est pas un problème, inventer des produits, ça l’est beaucoup plus!

 

On le comprend en vous écoutant: le Valrose est une petite famille. Mais au-delà de l’image, vous êtes deux couples, Mathieu et Pauline Quetglas ainsi que votre épouse Sabine et vous-même, à travailler ensemble. Vous tenez encore?

BC: Oui! La preuve, Pauline et Mathieu se sont mariés ce printemps. Comme quoi ça fonctionne bien (rires). Un élément qui joue en notre faveur, c’est que tant Sabine et Benoît que Pauline et moi ne travaillons pas dans les mêmes dicastères. Elles gèrent les parties administrative et hôtelière alors que nous sommes en cuisine et en salle. Cela permet de ne pas être constamment l’un avec l’autre. Même si c’est plaisant de pouvoir se voir plus régulièrement!

 

Pour finir, qu’en est-il des projets futurs du Valrose?

BC: Nous avons une longue liste d’idées et de projets plus ou moins concrets. Mais nous préférons asseoir la qualité de nos services plutôt que d’aller trop vite. Vous serez tenu au courant dès qu’il y aura du nouveau!