Texte: Siméon Calame | Photos: Benoît Dorsaz

Passion et émotions. «Ce regard… Je m’en souviens comme si c’était hier!» C’est une dégustation de syrah en élevage, avec une ancienne collaboratrice qui a ému Benoît Dorsaz, vigneron à Fully, au cœur des années 2010. «Chaque vinification est un défi plein de questions, précise-t-il. Et lorsque les réponses sont positives, comme ça l’a été ce jour-là, c’est plus qu’un soulagement, c’est une émotion.» L’homme se considère «aux antipodes du simple winemaker (vigneron, faiseur de vin)» et se dévoile plus proche du philosophe amoureux du vin. On le comprend en l’accompagnant dans ses vignes des Follatères: dans le dernier bout de terre avant le «coude» de Martigny, entre une forêt montagneuse et le Rhône, l’écoutant raconter l’histoire du lieu, un véritable fourmillement de biodiversité. Ici, au milieu de tout, on reconnaît la patte du bonhomme: la sérénité et la complexité.

Benoît Dorsaz

Benoît et Maryline Dorsaz refusent depuis 2003 d'étendre leur domaine. Cela leur permet de tout faire artisanalement.

Benoît Dorsaz

Grand fan de grimpe, Benoît Dorsaz aime à s'amuser dans ses vignes.

Le goût, toujours le goût! Malgré un père vigneron (qui vendait dès 1973 son vin en vrac), Benoît est le seul parmi sa fratrie de six enfants à s’être pris de passion pour la vigne. Il hérite en 1986 d’une parcelle de chasselas, puis loue ou achète l’entier du domaine familial à ses frères et sœurs pour le cultiver avec son épouse Maryline. «En 2003, nous avons décidé de ne plus agrandir le domaine, insiste-t-il. Nous avons même refusé des propositions de rachats, car nous ne voulons pas entrer dans une spirale de surproductivité. Nous avons déjà pas mal de travail!» En plus, les Dorsaz ne se sont pas facilité la tâche, en optant dès le départ pour un travail biodynamique. «C’est une dégustation à l’aveugle qui m’a poussé à m’y lancer, se souvient-il. Parmi une trentaine d’autres, trois vins de Marie-Thérèse Chappaz m’avaient alors véritablement scotchés!»

 

Des années plus tard, ce sont ses propres vins qui bluffent ses clientes et clients. Car si Benoît Dorsaz n’est que «peu connu du grand public», les amatrices et amateurs connaissent bien son nom. Son viognier élevé six mois en barrique, par exemple, est vite pétaradant et dynamique, alors que son arvine s’ouvre et se pare d’élégance plutôt quelques mois après la mise en bouteilles. D’ailleurs, même à Fully, terre de la petite arvine, Benoît Dorsaz vinifie quelques rouges, comme le gamay Clos Follatères ou la syrah Quintessence. Misant sur l’humain avant tout, celui qui a hésité à devenir éducateur spécialisé sourit: «Il faut que les gens se sentent mieux après avoir bu un de mes vins qu’avant. Je ne peux pas me permettre des vins de mauvaise qualité!» De toute manière, si personne n’achetait ses vins, Benoît «les boirait avec ses amis»!

 

En cave:

Blancs: fendant de Fully, viognier de Fully, petite arvine Les Perches de Fully

Rouges: cornalin Les Perches, Strepitus (assemblage de merlot, gamay, gamaret, pinot noir et cornalin), gamay Clos Follatères, pinot noir Clos Follatères, galotta Clos Follatères

Sélection Quintessence (18 mois d’élevage en barrique): petite arvine de Fully, merlot, cabernet franc, humagne rouge, syrah de Fully, cornalin 

 

Coup de cœur: «Je respire pour l’arvine «Les Perches»! Le lieu-dit est magnifique, le sol se marie parfaitement aux particularités de ce cépage, et son élevage sur fines lies lui procure une tension que j’apprécie beaucoup.»

 

Accord mets-vin: «Une poularde avec une sauce crémeuse et vraiment gourmande, combinée avec un verre de «Quintessence», une petite arvine avec deux ou trois ans d’élevage.»

 

Trois chefs GaultMillau qui proposent des vins de Benoît Dorsaz: Kévin Vaubourg au Restaurant Anne-Sophie Pic (18/20) au Beau-Rivage Palace à Lausanne, Jérémy Desbraux à la Maison Wenger (18/20) au Noirmont, et Mathieu Biolaz aux Touristes (15/20) à Martigny.

 

>> www.benoit-dorsaz.ch