Hostellerie du Pas-de-l’Ours

Franck Reynaud est un ours bien léché à la silhouette fine et à l’élégante moustache. Dans sa tanière aux airs de grotte et chalet de luxe, il propose une cuisine inventive, pure. Et cela, dès les amuse-bouches. Comme ce cromesquis croustillant d’omble chevalier à la texture presque spongieuse, tout en délicatesse, ou ce pastrami de bœuf d’Hérens en feuilleté tendre. Et que dire de ce biscuit d’écrevisses proposé comme une quenelle légère et dense sur une bisque puissante au léger goût d’anis, d’absinthe, le tout croquant sur le dessus?
La truite arc-en-ciel vient d’Argovie. Elle est ferme et moelleuse, surmontée d’une tuile au genièvre, dans une sauce à la bergamote qui exhale l’agrume et le végétal, le tout accompagné d’une jolie focaccia aux herbes déposée sur un lit de foin. De toutes les saveurs le foie gras de canard s’amuse. On le tartine sur un pain au lait fumé au café. La gelée de courge, l’acétomel, le vinaigre de coin, tout cela, doux et acide à la fois, bouscule en bouche, mais c’est plein de cohérence.
Les assiettes sont belles. Et gourmandes. Un cercle de céleri cru dans lequel est emprisonné un œuf parfait – d’Icogne – sur lequel on a râpé de la truffe noire sur un jus au joli goût d’oignon. Ou ce filet de rouget barbet passé sous la salamandre: la peau est croustillante et agrémentée d’éclats d’olives taggiasche et la chair est nacrée et fondante. Sous la bête, une raviole noire al dente graphiquement trouée qui surmonte quelques seiches et une bouillabaisse sans tomates mais à l’orange et au harissa. Au cœur de l’hiver, c’est méditerranéen et oriental.
On nous annonce le renne «scandinave et semi-sauvage». En tout cas, la viande arrive dans une jolie croûte de poivre rose et le filet est cuit à la perfection, accompagné de carottes rouges en déclinaison et d’un puissant jus. Avant de passer aux fromages et aux douceurs, on saluera les conseils et les raretés du sommelier, Nicolas Lacoste, qui nous a sorti une merveille de riesling grison de Gantenbein (1000 bouteilles produites chaque année), caméléon de blanc pur capable de s’adapter à tous les mets. Ici, la pâte molle est travaillée: un vacherin Mont-d’Or et un mousseux de chèvre qui s’acoquinent avec des raisins marinés au marc de cornalin. Et le dessert fait dans l’exotique en croisant l’acide (mangue), le suave (ananas rôti et en bavarois), le glacé onctueux (avocat) et l’épicé (poudre de piments oiseaux).