Texte: Daniel Böniger I Photos: Gabriel Monnet

BON ET SI PROCHE. «A mes yeux, les visites chez les producteurs sont la partie la plus agréable de mon travail!», affirme Nicolas Darnauguilhem, 42 ans, chef de la Pinte des Mossettes à Cerniat, dans le canton de Fribourg, où il obtient 16 points. Ses créations, il les met en scène de manière contemporaine, toujours à base de produits de proximité. Il cultive lui-même les légumes et les herbes aromatiques. Les produits laitiers et la viande proviennent de la région. Nous l’avons donc rencontré à la ferme de la Chenaux, à un quart d'heure du restaurant. C'est là qu'il achète sa viande de bœuf. Le paysan, Pascal Tercier, élève des Hinterwälder, une race plutôt rare. 
 

PAS DE SOJA, PAS D'ANTIBIOTIQUES. Pascal, les yeux bleus vifs sous son chapeau noir, raconte comment il a découvert cette race: à l'origine, il avait misé sur des Simmental, mais ces dernières années, grâce à la sélection, elles ont doublé leur poids en moyenne, allant jusqu'à 900 kilos par animal. «Ce n'est pas ce que je veux ne serait-ce que pour ménager le sol de mes alpages!». Alors, il a pensé aux Black Angus, mais la race lui a paru «trop américaine», dit-il en souriant. Quand il a entendu parler des Hinterwälder, les vaches les plus petites d'Europe centrale, il a su que c'était ça qu’il lui fallait! Il renonce par ailleurs à les nourrir de maïs ou de soja, et même, depuis 2008, d'antibiotiques. 

Nicolas Darnauguilhem, chef au restaurant gastronomique La Pinte des Mossettes et son producteur de viande d'Hinterwald, Pascal Tercier, près de Charmey dans le canton de Fribourg, jeudi 19 octobre 2023. (© Gabriel Monnet)

À 1800 mètres, Nicolas Darnauguilhem sent le foin de l'alpage dont il se sert comme ingrédient pour son pain.

Nicolas Darnauguilhem, chef au restaurant gastronomique La Pinte des Mossettes et son producteur de viande d'Hinterwald, Pascal Tercier, près de Charmey dans le canton de Fribourg, jeudi 19 octobre 2023. (© Gabriel Monnet)

Une partie de la recette du succès: Pascal Tercier est très proche de ses animaux de la race spéciale Hinterwäldler. 

PAIN À L'ARÔME DE FOIN. Nicolas de la Pinte des Mossettes a été impressionné lorsqu'il a fait la connaissance de l'agriculteur. Depuis, les deux - le producteur et le restaurateur - se considèrent comme des amis. Le prix de la viande, par exemple, n'est jamais un sujet de discussion! «C'est une question de confiance!» C'est ainsi que Nicolas ne se fournit pas seulement en viande chez Pascal, mais aussi en foin, récolté dans des alpages à environ 1800 mètres d'altitude. Le chef l'utilise pour aromatiser l'eau avec laquelle il prépare son pain. Si on le compare au foin de basse altitude, il a moins l'odeur d'un terrain de football, mais un parfum nettement plus complexe, plus proche de la menthe, des herbes, de la terre... et ces arômes, on le retrouve effectivement dans le pain cuit.

Nicolas Darnauguilhem, chef au restaurant gastronomique La Pinte des Mossettes près de Charmey dans le canton de Fribourg, jeudi 19 octobre 2023. (© Gabriel Monnet)

Le meilleur du bœuf bio se décline en tartare aux betteraves, roses, baies sauvages.

Nicolas Darnauguilhem, chef au restaurant gastronomique La Pinte des Mossettes près de Charmey dans le canton de Fribourg, jeudi 19 octobre 2023. (© Gabriel Monnet)

Nicolas Darnauguilhem, le Genevois d'origine qui se sent bien en altitude.

Nicolas Darnauguilhem, chef au restaurant gastronomique La Pinte des Mossettes près de Charmey dans le canton de Fribourg, jeudi 19 octobre 2023. (© Gabriel Monnet)

La maison qui abrite la Pinte des Mossettes a plus de 150 ans.

LE TAUREAU IMPRESSIONNANT. Si Nicolas Darnauguilhem fait confiance à Pascal, il est plus méfiant face au taureau dans le pré situé derrière la ferme: le chef garde toujours un œil sur l'imposant animal. Même lorsque le cuisinier et l'agriculteur rencontrent un veau qui vient de naître la veille. «J'ai dû fuir une fois devant un taureau dans la ferme des voisins de mes parents, ça m’a marqué!», explique-t-il. Ce n'est que lorsqu'ils sont presque sortis de l'enclos et que les vaches sont à 200 bons mètres de là que Nicolas se détend. Il cueille nonchalamment une pomme sur l'un des arbres du pâturage. Avec son couteau de poche, il la coupe en morceaux qu’il croque. Les deux hommes prennent congé. Et Nicolas monte dans sa jeep noire.

Nicolas Darnauguilhem, chef au restaurant gastronomique La Pinte des Mossettes près de Charmey dans le canton de Fribourg, jeudi 19 octobre 2023. (© Gabriel Monnet)

L'ambiance est bonne dans le restaurant de Nicolas Darnauguilhem.

Nicolas Darnauguilhem, chef au restaurant gastronomique La Pinte des Mossettes et son producteur de viande d'Hinterwald, Pascal Tercier, près de Charmey dans le canton de Fribourg, jeudi 19 octobre 2023. (© Gabriel Monnet)

Impressionnant, en effet: le taureau de la ferme de la Chenaux. 

BEAUCOUP DE TRAVAIL DANS UN RESTAURANT FERMÉ. La Pinte des Mossettes est fermée ce midi. Mais cela ne veut pas dire qu'il ne s’y passe rien. On comprend vite ce que Nicolas Darnauguilhem a voulu dire lorsqu'il s'est décrit comme une sorte de chef d'orchestre. Une collaboratrice remplace les fleurs en salle. En cuisine, on coupe et on apprête. Dans la cave, le sommelier Olivier Dopke est à l'œuvre. Il regarde les vins qu'il vinifie au pied du col du Jaun, avec des raisins valaisans. Et ce n'est pas tout: dans le jardin, l’un recouvre les plates-bandes de légumes avec du compost frais. Un autre s'occupe du nettoyage de l'étang derrière la maison: insolite dans cet environnement montagneux, il est en combinaison de plongée. Mais le chef veut encore élargir ce micro-univers. Il parle de poules qu'il veut élever. Et d'autres carrés potagers qu'il souhaite aménager autour de la maison. «Pour les salades et autres légumes verts, la règle est la suivante: il ne doit pas y avoir de délai entre la récolte et la consommation!» A l’évidence, après trois ans, le Genevois d'origine a trouvé ses marques dans cet environnement pittoresque. 

 

>> www.lapintedesmossettes.ch

>> www.ferme-de-la-chenaux.ch