Vous venez de remporter le Cuisinier d’or. Vous attendiez-vous à cette victoire?

Quand on participe à un concours, on espère toujours gagner. Hier, néanmoins, j’avais beau me savoir bien entraîné et épaulé par Nicolas, mon commis, j’ai douté. J’ai regardé les autres – exactement ce qu’il ne faut pas faire! – et je me suis laissé distraire: j’ai oublié les tuiles dans le four, par exemple. En plus, pour participer, il faut être perfectionniste. Or mon dressage ne correspondait pas entièrement à ce que je voulais: ça déstabilise. Heureusement, le jury ne voit pas les choses de la même manière et, au final, c’est le goût qui compte.

 

Est-ce que le covid s’est révélé un atout ou une gêne pour votre préparation?

Un avantage, clairement, car une telle préparation implique un investissement et une énergie énormes, qu’il faut intégrer à ses moments de congé. Avec le covid, à Crissier, on a travaillé. Mais les journées de six heures n’ont aucune commune mesure avec les journées de travail ordinaires. La fatigue est donc nettement moindre.

 

Comment avez-vous vécu toutes ces heures d’entraînement?

C’est dur. Il faut tout répéter, chaque geste, toute l’organisation. En un an, j’ai refait douze fois les cinq heures et demie de préparation, comme lors du concours. En plus, il y a les mises en place et les commandes. Il faut être solide pour tenir le coup. Mais, au final, c’est très formateur. Je n’en retire que du bénéfice.

 

Envisagez-vous de participer à d’autres concours?

Oui, le Bocuse d’or, bien entendu, reste un objectif. Mais pas tout de suite...

 

Quel est l’impact d’un tel prix sur une vie professionnelle et comment vous voyez-vous dans dix ans?

Le Cuisinier d’or est un prix très prestigieux en Suisse, c’est donc forcément très positif. On peut s’attendre à des offres d’emploi. En l’occurrence, je suis très bien à Crissier depuis quatre ans et il serait difficile de trouver mieux. Dans dix ans, j’espère bien avoir mon restaurant. En Suisse, pourquoi pas? Mais pour cela, il faut trouver un établissement qui offre des perspectives. Dans l’immédiat, je vais devenir chef d’un restaurant à Luxembourg, dès la fin juin. 

 

Donc vous allez quitter Crissier!

Oui, je serai chef d’une table étoilée, Les Jardins d’Anaïs (ndlr: 14,5 au GaultMillau, 1 étoile Michelin), dont le chef est parti suite au covid. On est venu me chercher et j’ai saisi l’occasion qui se présentait. Je quitte Crissier après quatre années extraordinaires où j’ai acquis beaucoup de technique, soutenu par Franck Giovannini qui nous pousse à sortir le meilleur de nous-mêmes, que ce soit au quotidien ou lors de la préparation de concours.

 

Après des mois de fermeture, au lendemain d’une victoire incroyable et (presque) à la veille de votre départ pour une nouvelle aventure, vous êtes en cuisine. Quelle impression cela vous fait-il?

Je me sens plus que bien. J’ai bien sûr savouré ma victoire et la nuit a été courte... mais dans notre métier, il faut toujours rester sur terre.