Texte: Daniel Böniger
Passion crousti-frit. C'est un fait. Peu de gens font la fine bouche devant cette escalope de veau finement aplatie, enrobée d’une délicate panure et frite à la perfection. Mais, à Zurich comme ailleurs, tous les wiener schnitzel ne se valent pas. Et un rapide sondage auprès de la rédaction locale de GaultMillau a vite fait émerger trois adresses visiblement incontournables: le Carlton, le Rosaly’s et le Wilde Kaiser.
Inconditionnel du vinaigre, le chef Fabio Lombardi, du Rosaly's, possède même sa propre mère.
Son wiener schnitzel arbore une panure dorée à souhait et une chair délicieusement tendre.
Plus tendre tu meurs. Situé juste derrière l'incontournable Sternen-Grill de Bellevue, le Rosaly’s, fort de ses 15 points, propose une carte qui fait habilement twister les classiques de la gastronomie zurichoise. En cuisine, Fabio Lombardi officie avec brio. Son wiener chnitzel arrive à table parfaitement doré, tandis que la viande se révèle d’une belle tendreté. La panure, relativement épaisse, lui permet de servir une escalope de veau de 120 grammes «à peine». De quoi ne pas rester sur sa faim. Les astuces du chef pour une recette parfaite? Il commence par tremper la viande dans de l’eau minérale, «une technique apprise d’un ami autrichien», confie-t-il. L’escalope panée repose ensuite quelques minutes avant d’être frite dans une poêle en fonte, dans un mélange de beurre, de beurre noisette et d’huile.
Fou de vinaigre. La chapelure, Fabio Lombardi la commande depuis des années chez Jowa. Autre détail qui fait la différence: le demi-citron servi dans l’assiette est brièvement flambé au chalumeau pour en intensifier les arômes. La confiture d’airelles relevée de raifort fait, elle aussi, mouche. Quant aux pommes de terre servies en salade en accompagnement, elles offrent une texture parfaite, même si leur goût est peut-être un peu trop marqué par le vinaigre. Une remarque qui ne surprend guère le chef: «Je suis un obsédé du vinaigre, j’ai même ma propre mère à la maison!» Un condiment maison que l'on retrouve évidemment dans la sauce de sa salade.
Au Wilden Kaiser, la forme de la wiener chnitzel évoque presque celle de l’Autriche.
Dans son restaurant, Krisztian Krahnstöver fait résonner le «son de Vienne». Pas du Mozart, mais presque.
L'autre musique de Vienne. On pourrait, bien sûr, ressasser ici l’éternel débat qui oppose depuis des années, chefs autrichiens et italiens: qui, de Milan ou de Vienne, a réellement inventé le schnitzel? Au Wilden Kaiser Wienzeile, fief de Krisztian Krahnstöver, la question ne se pose même pas. Dans ce restaurant distingué par le label Pop du GaultMillau, on en viendrait presque à croire que François-Joseph d’Autriche en personne est à l’origine de ce classique. Dès l’entrée, on entend ce que le patron des lieux appelle le «son de Vienne»: soit, en cuisine, la valse répétitive des escalopes en train d'être martelées pour les aplatir.
Science du schnitzel. Ici, rien n'est laissé au hasard. La chapelure arrive chaque semaine tout droit de la capitale autrichienne. Les œufs, livrés par la ferme Iserig à Hinteregg, dans le canton de Zurich, sont utilisés pour la panure à une température précise de six degrés. Le veau bio, lui aussi issu de la région, est travaillé pour aboutir à une épaisseur de 1,5 millimètre et un poids de 190 grammes. La cuisson se fait au beurre clarifié (ghee), dans trois bacs à induction réglés à des températures différentes. «Un seul collaborateur s’en charge, afin de garantir une qualité constante», précise Krisztian Krahnstöver. Une minutie qui force le respect.
Chef-d’œuvre ciselé. Et dans l’assiette? C'est une œuvre d’art dorée, gonflée comme un coussin, dont la forme rappelle presque celle de l’Autriche. À la première bouchée, la panure crépite, le critère de qualité absolu d’un schnitzel. La viande manque peut-être d’un soupçon de tendreté, mais l’ensemble se rattrape largement avec le demi-citron garni, comme il se doit, d’un anchois roulé et d’un câpron. Sans oublier l’excellente salade de pommes de terre relevée de rampon et d’un filet d’huile de pépins de courge.
Au Carlton, Philipp Heering prépare une cinquantaine de wiener schnitzel par semaine.
Dès l'arrivée à table, on remarque les jolies ondulations de l'escalope parfaitement frite.
Classiques revisités. Peut-on vraiment faire mieux? Le Carlton, sur la Bahnhofstrasse, récompensé par 15 points est la dernière adresse à passer le test. Aux commandes de cet établissement, Daniela et Markus Segmüller, laissent Philipp Heering officier en cuisine. Avec talent, il y prépare des grands classiques comme des plats plus créatifs. Chaque semaine, lui et son équipe confectionnent cinquante wiener schnitzels pour leurs convives, panés avec la chapelure de la Kreuzbäckerei de Stans, «une qualité toujours constante», souligne le chef, et frits à point dans un mélange d’huile de tournesol et de beurre clarifié.
Roi du schnitzel. Une recette parfaitement maitrisée: la panure, fine et d’un doré éclatant, se déploie en circonvolutions légères et joyeuses, un vrai régal pour les yeux! À la découpe, le bruit de crispy qui accompagne tout bon schnitzel annonce la couleur. La viande, 160 grammes de veau, se révèle parfaitement tendre, du haut de ses deux millimètres d’épaisseur. Autre point fort? Jusqu’à la dernière bouchée, l’escalope ne se désagrège pas. Les accompagnements sont aussi à la hauteur, comme cette confiture d’airelles, joliment acidulée, et le jus de citron, servi de manière originale dans un vaporisateur. Même si la salade de pommes de terre, relevée de dés de lard et de rondelles de concombre croquantes, est peut-être un brin trop copieuse, rien ne peut venir ternir le verdict final: Philipp Heering du Carlton est bel et bien le roi du schnitzel à Zurich!
Photos: Adrian Bretscher
