Renaissance. Le printemps a justement choisi d’éclore en ce mercredi d’avril: serti dans une nature toute en fleurs et en verdeur acidulée, le Domaine de Châteauvieux scintille sous l’or du soleil vespéral. Une mise en lumière digne de l’événement qui se prépare: deux soirs de suite, la demeure de Philippe Chevrier reçoit neuf des plus grands vignerons du pays pour des accords mets-vins simplement divins. De quoi éblouir la poignée d’heureux épicuriens venus se délecter d’un menu coté à 19/20 et de vins d’exception, comme ce Grain Arvine de Fully signé Marie-Thérèse Chappaz. «Lorsqu’on a ouvert les réservations, le restaurant s’est retrouvé complet en quelques heures, un temps record! C’est pourquoi on a lancé une deuxième soirée, aussitôt prise d’assaut: à l’évidence, le public apprécie ces rencontres et ces découvertes de plats associés à des vins rares», se réjouit Philippe Chevrier.
Entrée en scène. Alors que l’élégante assemblée passe le porte en pierre de taille de l’auguste maison, accueillie par le glouglou de la fontaine, la brigade de service émérite virevolte déjà avec ce tataki de betterave au vieux balsamique-chips de riz soufflé au charbon végétal–tartelette de colrave et gel aux fruits rouges. Un amuse-bouche signé par Chevrier et par son chef, Damien Coche, pour souhaiter la bienvenue au public qui se délecte du magnifique coup d’oeil sur la campagne genevoise en même temps que du subtil blanc de pinot noir «Brut Zéro» 2008 de Jean- Michel Novelle. Le ton est donné. Ce soir, la barre est fixée très haut.
Le vin raconté. Tout en écoutant Lionel Rosnet, directeur de la Switzerland Wine School, Loïk Tavernier, Chef Sommelier de Châteauvieux, et chaque vigneron commenter ces accords avec de vrais talents de conteurs, on picore ce bricelet au safran qui offre un aimable croquant au tartare de daurade et mousse aux avocats, et aux acras de bar au vinaigre de framboise. Ils donnent la réplique à un chasselas grand cru «Le Chapitre» 2015 d’Henri Cruchon. Mais ce n’est que la mise en bouche: le menu, lui, s’annonce grandiose.
Cliquetis et scintillement. Au rouge du homard répond le vert des fèves printanières qu’entourent une délicate émulsion iodée. Pour faire échos à ce plat marin, c’est un cru montagnard et grison qui a été choisi: un voluptueux completer de Franciska et Christian Obrecht. Une merveille. La fête se poursuit entre cliquetis de l’argenterie et scintillement des bougies, avec des convives de plus en plus diserts et joyeux. Nouveau coup d’éclat: le délicat cabillaud «skrei» de Norvège, idéalement nacré et laqué au pinot, s’harmonise à merveille avec le pinot noir «R» de Béatrice et Ruedi Baumann à Schaffhouse.
Sous les étoiles. Des mers de Norvège, on passe aux alpages helvétiques avec un coeur de filet de veau titillé par un accompagnement printanier d’asperges et de morilles farcies – quel raffinement! –, d’une délectable raviole au paleron rehaussée d’estragon. A plat puissant, vin envoûtant: l’assemblage de cabernet franc et sauvignon «Grand Cour» 2012 griffé Jean-Pierre Pellegrin lui sied à merveille. Avec le Faya de Fribourg, le gruyère caramel et le fridolin de Glaris, c’est le savagnin «Fièvre Jaune» 2011 de Nicolas Bonnet qui fait chavirer les hôtes, avant l’Ermitage flétrie sur souche 1996 d’Anne-Catherine et Denis Mercier qui accompagne fort à propos le rafraîchi d’ananas et à la coriandre. Et comme, nous l’avons dit, le printemps se réveille aujourd’hui: la tentation est trop grande, alors le café se prend sous les étoiles, sur la terrasse de Châteauvieux qui survole le Tout Genève endormi. Et le chef conclut: «C’est une première, et un succès. On va donc laisser passer l’été, puis, c’est certain, on va refaire d’autres soirées comme celle-ci, aussi gratifiante pour nous que pour les vignerons et pour le public».
Domaine de Châteauvieux
Peney-Dessus 16
1242 Satigny
+41 22 753 15 11
www.chateauvieux.ch
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