Un pain maison à la longeole. Dans le monde feutré du luxueux hôtel Président Wilson, la créativité débridée de Danny Khezzar épate et émerveille. Aux côtés de Michel Roth, le chef exécutif parisien, ce jeune prodige hyper-actif révélé par l’émission Top Chef a élaboré une carte de printemps tout simplement magique. Un vrai coup de cœur! Ainsi, c’est sur un arbrisseau que l’on cueille la bouchée d’orange coulant. En dessous, sur un lit de mousse, la morille répond à la livèche rehaussée de citron, alors que de fines feuilles transparentes concentrent comme par magie les arômes d’un gratin dauphinois. Les six pains (maïs, sésame, piment d’Espelette, longeole, épeautre et baguette) sont faits maison et un insolite beurre printanier, vert intense, à l’ail des ours, les accompagne.
Le premier plat raconte toute une histoire. Celle d’un ange. Il arrive dans une petite cuillère et plonge dans un dôme de petit pois aux pétales de fleurs. C’est fin, léger et gourmand. La déclinaison d’asperges, les fait apparaître en espuma blanche et en délicat sorbet à l’huile d’olive parfumée à la bergamote, puis en faux martini qui rappelle le cynorrhodon. Une mise en scène ludique pour des associations inédites et pertinentes. Mais voici l’artichaut entier, évidé pour servir d’inattendu couvercle végétal à sa chair servie en forme de fleur frite, rehaussée de tonka et de caviar. On retrouve le caviar sur des feuilles d’artichaut qui, lui, arrive aussi en crème rappelant un risotto délicieux et pâtissier. Le brochet du lac lui emboîte le pas, en quenelles oblongues où semblent pousser des sapins en tuile aux herbes. Une sauce au champagne et calamansi entoure les œufs de brochet que l’on retrouve en sushi helvétique. Tout ça est enchanteur.
La grande cuisine française magnifiée. En entremets, la pomme de terre est servie en cappuccino de pain grillé et morilles: une bouchée grandiose qui annonce l’agneau aux morilles dressés en véritable tableau. La chair est fumée au foin et, servi en pipette, un bouillon intense aux morilles rehausse la dégustation. Sphère, pousse et gnocchis de petits pois à l’ail complètent une œuvre d’une diversité et d’une cohérence parfaites. Et puis, n’oublions pas le ris d’agneau en croquette qu’une douce sauce barbecue rend encore plus gourmande. Un plat merveilleux de diversité, que des pommes de terres soufflées en forme de champignons et farcies end encore plus délectable. Ode à la tradition, les sauces sont servies à part: c’est vraiment la grande cuisine française magnifiée et réinventée avec sensibilité et majesté. Le chariot recèle septante fromages, tous suisses, fournis par Jumi. Déstabilisant, le pré-dessert de poireau et chocolat séduit au final par ses saveurs inattendues et par sa mise en scène jolie comme un paysage. Avant la ribambelle de mignardises exquises, on termine par un citron en trompe-l'œil scintillant qui réinterprète le dessert préféré de la maman du chef: la tartelette au citron… et qui pourrait bien devenir le nôtre!