Chefs contre activistes, acte II. Après le gibier à plumes, c'est une bête à poils qui plonge un chef dans la tourmente. A peine 24 heures après l'affaire de la bécasse chez Jérémy Desbraux, c'est au tour du chef du Vieux-Nendaz (13/20), Adrien Lopez (photo ci-dessus, aux côtés de Clara Laurent), de subir les foudres de défenseurs des animaux. La raison? Un article publié ici-même le 31 octobre élisant l'adresse valaisanne «Coup de cœur du mois d'octobre». Intitulé «Après le lièvre, voici la marmotte à la royale», l'article (que nous avons retitré depuis, pour éviter au Vieux Nendaz de nouvelles menaces), loue la cuisine de ce chef qui a la particularité de proposer de la marmotte à la royale, «oui, comme le lièvre, c'est-à-dire en effiloché nappé d'une sauce au vin rouge, liée au sang», écrit son auteur. Le texte a valu au petit restaurant une vague de review-bombing (pluie d'avis négatifs malhonnêtes) sur sa page Google, en plus de commentaires désobligeants sur les réseaux sociaux.
Pluie de commentaires. C'est durant ce week-end que le chef Lopez s'est rendu compte de la situation. «J'ai reçu des notifications Google dont 5 avis négatifs à une seule étoile et appelant au boycott du restaurant. Là, j'ai compris qu'il se passait quelque chose», raconte-t-il. Sur Google comme sur Facebook, l'affaire s'emballe. «Cuisiner de la marmotte en 2025? Signalement!», écrit l'un. «Boycotter se [sic, ndlr] restaurant», ajoute une autre. «On peut mettre un avis sur la page du restaurant!», enjoint un quatrième commentateur, «la Suisse est tout sauf un exemple», «malades mentaux», «ignoble», etc.

La marmotte à la royale du Vieux Nendaz telle qu'elle était servie en 2023. Le plat a évolué depuis, précise le chef.
Google intervient. Adrien Lopez s'est dit: «voilà un souci de plus pour les restaurateurs». Il a immédiatement signalé l'affaire à Google, dont les services de modération ont rapidement supprimé tous les messages positifs et négatifs parus au cours du week-end. Sa note générale n'a ainsi pas changé. Mais le chef est choqué. Il déplore surtout l'absence de dialogue. «J'ai écrit à l'une des personnes les plus actives dans ces commentaires pour me présenter et lui proposer des explications, poursuit le chef. Mais celle-ci n'a pas répondu». Adrien Lopez voulait ainsi préciser qu'il n'abattait aucune marmotte, et qu'il se contentait d'en acheter dans la plus stricte légalité. «Je déplore les amalgames qui sont faits, et l'absence dialogue», regrette-t-il.
Chasse 100% légale. «En fait, ce qu'on nous reproche souvent dans ces avis, c'est de faire quelque chose d'illégal. Or tous les gibiers que nous servons sont systématiquement contrôlés par les autorités cantonales. Nous respectons la loi à la lettre. Si ces gens veulent rendre illégale la chasse à la marmotte, alors qu'elles fassent changer la loi, plutôt que de taper sur des petits artisans et restaurateurs. Nous sommes un petit restaurant de dexu personnes, nous achetons dix bêtes par an, dans le respect des lois. Si nous fermons demain à cause de ces mauvais commentaires, qui sera là pour nous remplacer? De grands groupes industriels qui abattent des milliers de chevreuils? Est-ce ça que les gens veulent en s'attaquant à nous?», s'interroge le chef, que nous avions suivi en reportage avec des chasseurs en 2023.
Pression sur les chefs. Surtout, l'affaire, la deuxième en deux jours, montre la pression croissante exercée sur les chefs, quand bien même ils apprêtent le gibier de manière tout à fait légale. L'absence de réponse au message du chef suggère que ces «affaires» sont montées pour nuire au restaurant et outrer les internautes en profitant de la caisse de résonance des réseaux sociaux, plus que pour ouvrir le dialogue. «Certains chefs peuvent baisser les bras face à ces réactions», confirme Adrien Lopez, qui ne prévoit toutefois pas d'enlever la marmotte à la royale de son menu tant que la pratique demeure légale. Tout au plus se montrera-t-il «plus discret sur les réseaux sociaux». «La marmotte est un gibier rare que nous respectons, que nous valorisons et que nous mettons en avant. Nous ne bradons rien, nous cuisinons tout de manière sincère et authentique, et c'est cela qui plaît à nos clients.»
Photos: Sedrik Nemeth

