Texte: Siméon Calame | Photo: Marina Forney

Bien manger à l’hôpital. «Dans ma vie, j’ai passé pas mal de temps à l’hôpital, comme soignante et comme soignée, et je dois dire qu’on n’y mange pas toujours super bien», sourit Marina Forney, légère ironie au bout des lèvres. En automne 2023, la photographe culinaire veveysanne, dont on connaissait déjà le livre «Je suis Nez» en soutien à la Fondation Théodora, s’est alors mise en tête d’apporter la haute gastronomie entre les murs d’un hôpital. Une prise de contact avec les responsables de l’Hôpital Riviera-Chablais (HRC) et un coup de téléphone à son grand ami Mathieu Bruno (chef du Là-Haut, Chardonne, 16/20, qui a annoncé il y a peu remettre son restaurant fin juin), et hop, le projet était lancé. Anecdote: enfant, le futur chef jouait au football sur les terrains vagues où s’est élevé l’hôpital en 2019. Et, coïncidence, il allait à l’école avec le chef exécutif de l’HRC, Bruno Ancora.

 

Quatre plats végés. Alors que Mathieu Bruno était en plein rush afin d’ouvrir à temps son Beef’Ør, sur le Petit-Chêne à Lausanne, il a tout de même pris du temps pour cet autre projet qui lui tenait à cœur. «Demander à Mathieu de créer des recettes pour l’hôpital était une évidence, car il a la créativité nécessaire pour rendre la cuisine sexy, ce qui est indispensable dans un contexte hospitalier, continue Marina Forney. De plus, c’est un enfant du pays.» Au menu: quatre plats végétariens pour le personnel. «Il est presque plus facile de donner envie avec une cuisine végétarienne qu’avec de la viande, car les textures et couleurs sont infinies, estime Mathieu Bruno, membre des Grandes Tables de Suisse. Et l’on n’omet pas la gourmandise!» Ainsi, sont proposés depuis fin novembre des gnocchis de topinambours au Vacherin Mont d’Or et truffe noire («ça a explosé le budget», sourit le chef), des baos au kimchi, glace au miso, sauce arachide et riz basmati au œufs et algues kombu, des œufs meurette et frites de panisse, et un simple tartare de légumes. En plus des quatre recettes, Mathieu Bruno mentionne surtout «la motivation des brigades de cuisine à faire quelque chose de différent, et leur envie d’apprendre».

 

Bientôt dans toute la Suisse romande? Trois mois après le lancement de l’opération, Marina Forney confirme son succès: «Les premiers retours que nous avons eus, le jour du lancement, étaient déjà réjouissants. Mais après plusieurs semaines, savoir qu’un projet comme celui-ci a parlé au plus grand nombre, fait plaisir.» À la question de savoir si elle pourrait recommencer, la jeune femme ne délaisse pas l’idée d’étendre le projet à d’autres hôpitaux, en collaboration avec des chefs des régions ciblées. «Les gens ne vont pas travailler à l’hôpital pour bien manger, mais avoir la possibilité de déguster quelque chose qui sort de l’ordinaire, cela fait plaisir et ça rebooste!», continue Marina Forney. Sophie, assistance en soins et santé communautaire au HRC, ajoute quant à elle que «cela permet de goûter des plats gastronomiques d’un chef chez qui peu ont la possibilité de s’attabler. Cette offre s’ajoute à celle, déjà variée et qualitative, du restaurant de l'hôpital.» Si Mathieu Bruno a signé une carte très hivernale, il n’est pas exclu que la collaboration continue cet été, mais rien n’est encore décidé.