Un programme gastronomique hors pair. Tout a commencé en mai passé, lorsque la brigade de Christian Tête d’Oie (3 étoiles et 3 toques à Lyon) est arrivée au château de Marnand dans la Broye vaudoise. Le chef était là pour le premier dîner exclusif et public, organisé dans le cadre de cette demeure inscrite au patrimoine et complètement rénovée pour célébrer l’art de vivre européen, l’art de la table en particulier. En octobre, c’est Amaury Bouhours, le chef d’Alain Ducasse au Meurice, qui s’est à son tour mis aux fourneaux au château. Son menu a été servi à 28 convives pour 420 francs. Un prix incluant les vins de Château Cheval Blanc présentés par Clément Sommier, vice-meilleur sommelier français 2024. Si Alain Ducasse n’est pas venu en personne, il a quand même signé les menus de tous les convives. Et l’aventure ne fait que commencer: en effet, le programme du château de Marnand à de quoi éblouir les épicuriens les plus avertis.
Pluie de toques et d’étoiles à Marnand. Côté cave, on passe donc de Château Cheval Blanc à Léoville Barton et du Domaine du Vieux-Télégraphe à la Mission Haut-Brion, sans oublier les champagnes Laurent-Perrier en décembre. Le «dîner de Noël» sera par ailleurs griffé Fabien Ferré (La Table du Castellet, dans le sud de la France, 3 étoiles au Michelin et 3 toques au GaultMillau). Pierre Gagnaire, lui, est annoncé au printemps. Et Yannick Alléno, le chef triplement étoilé du Pavillon Ledoyen, suivra en habitué des cuisines de châteaux, puisque c’est lui qui avait cuisiné pour Charles III à Versailles. Mais ce n’est pas tout: Jérôme Banctel, le chef de La Réserve, à Paris, est également pressenti pour venir. En attendant, c’est Grégory Pouzol, ancien chef de partie du Plaza Athénée, devenu chef de partie à l’EHL, qui assure. Il a pris la relève après Maryline Nozahic (La Table de Mary, 16/20) qui, dès novembre 2024, avait élaboré des menus pour les amis et clients des propriétaires, Luca et Ludmilla Bizzozero: «Ces repas ont eu un tel succès que nous avons eu l’idée de la rendre accessibles au public».
Chaque repas prend place dans ce magnifique château situé à Marnand dans le canton de Vaud.
Un pari risqué. On l’aura deviné, les propriétaires du château de Marnand sont gastronomes, épicuriens et esthètes par excellence. Luca est tessinois d’origine, musicologue et chef d’orchestre devenu antiquaire. Ludmilla, d'origine russe, est licenciée en lettres, puis formée à l’économie et au marketing en Allemagne, puis à l’Université de Fribourg. Et ces deux-là partagent la même passion pour le beau et le bon. En 2020, ils ont donc pris le risque de racheter le château de Marnand, en ruine. Cinq ans après, ils y reçoivent leurs hôtes dans une atmosphère d’un raffinement champêtre exquis. Les salons et chambres (car il y a aussi des chambres et des suites où séjourner) sont meublés d’antiquités précieuses, éclairées de lustres étincelants et tapissés de papiers peints paysagers. La table, elle, est dressée avec de la porcelaine de Sèvres et de la cristallerie de Baccarat ou de Saint-Louis: «Nous proposons des dîners festifs comme les aimait la bourgeoisie sous Napoléon III». Des soirées où les convives s’habillent: «Ce sont nos clients qui nous le demandent», précise Luca Bizzozero. Il faut dire que le cadre et le programme s’y prêtent. Car il n’y a pas que les repas.
Les salons et chambres sont meublés d’antiquités précieuses, éclairées de lustres étincelants et tapissés de papiers peints paysagers.
La table, elle, est dressée avec de la porcelaine de Sèvres et de la cristallerie de Baccarat ou de Saint-Louis.
Des cours signés Ducasse. Chaque mois, les repas festifs alternent, ou se concilient, avec des expositions, des concerts et des conférences. Et à chaque fois, ce sont des têtes d’affiche qui sont annoncées: à l’évidence, les Bizzozero cumulent un carnet d’adresse d’une richesse rare, la conviction persuasive qui permet de déplacer des montagnes et l’art de recevoir: «Notre intention est de mettre en lumière l’héritage culturel européen. Il s’agit d’un patrimoine vivant qu’il faut faire vivre et transmettre». Parents de deux jeunes enfants, Ludmilla et Luca n’oublient pas la nouvelle génération. Dans le cadre de leur demeure de conte de fée et de son parc, c’est l’équipe d’Alain Ducasse qui dispensera des cours de cuisine à l’intention du jeune public dès l’été prochain. Le tout, avec les produits de la propriété: «Comme dans les campagnes au XVIIIème siècle, nous vivons quasiment en autarcie», se réjouit Luca Bizzozero. Car la ferme qui dépend du château reste à restaurer. Or, à table comme au chantier, Luca et Ludmilla sont des perfectionnistes éclairés. Ils ont l’œil à tout. C’est sans doute ce qui assure le succès de leurs ambitieux projets.
Prochain événement, le 22 novembre: en cuisine, Grégory Pouzol; dans les verres, Vieux Télégraphe.
Photo: HO
