Chasse de haute cuisine. Au Restaurant de la Plage, à Genève, on vient d'abord pour le lieu, spectaculaire, qui s’élance sur le Léman. Mais, c’est pour la belle cuisine du chef Jean-Briac Monboussin que l’on revient désormais. Car ici, ce dernier crée la surprise avec son menu de chasse de haut vol. Il signe une gastronomie réconfortante, parfois canaille, résolument locavore, qui alterne des assiettes lisibles et délicieuses, au parfait équilibre entre cuisine d’instinct et grande technicité. L'exigence et les codes de la haute cuisine, mais sans en faire trop. (Grande photo ci-dessus: dos de cerf rôti, raviole à la châtaigne et blettes du pays).

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Le chef Jean-Briac Monboussin.

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Noix de chevreuil d’Alsace Loraine rôtie aux bourgeons de sapin, figue et betterave, jus de gibier

Sous les pâtés, la plage. Jean-Briac, formé à la grande cuisine bourgeoise des palaces parisiens, est parfaitement à l’aise dans la tradition, notamment celle de la chasse: «J’adore cuisiner la chasse, car après le feu de la période estivale, c’est une cuisine où l’on doit prendre son temps. Cuisiner le gibier demande des préparations longues et minutieuses. Je n’aime pas les chasses trop marquées, ni les viandes trop fortes ou faisandées». Ainsi, le cuisinier privilégie des pièces pleines de saveurs, plus que de puissance, qu’il achète auprès d’Eric Marchal en Alsace-Lorraine, une sommité, l'un des rares bouchers français à apprêter le grand gibier, qu'il chasse parfois lui-même. Dès début octobre, il y a aura donc trois propositions de chasse au menu; une belle noix de chevreuil rôtie aux bourgeons de sapin, pour une note forestière de sous-bois, une tourte de dos de cerf d’Alsace-Lorraine avec son jus de gibier et sa salade de rampon, agrémentée de champignons cueillis par Marc Oberson dans la forêt de Jussy, et nappée d’une belle sauce grand veneur dont le chef détient le secret.

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Le pithiviers végétarien du chef qui est aussi à l'aise dans l'apprêt des légumes que de la chasse. 

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Wellington de cerf, sauce grand veneur.

Lièvre à la Royale. Mais, c’est surtout son lièvre à la royale d’anthologie qu’il faut goûter. Ce plat, rare, qui requiert une grande technicité et pas moins de deux jours de travail, est ici une merveille. Le lièvre, après avoir été longuement apprêté, est encore cuit huit heures au four, nappé de son jus aromatique. Un jus qui sera ensuite flambé au cognac, réduit et «mis en texture» pour obtenir cette consistance sirupeuse et laquée qu’on lui connaît. Pour ajouter un peu de rondeur, le chef n’hésite pas à y introduire un carré de chocolat, avant de le lier - comme le veut la tradition - au sang. Cette sauce unique et savoureuse viendra ensuite napper la tranche de lièvre (désossée et farcie), et sera astucieusement relevée d’une huile de laurier ou d’un jus vert d’épinard, que le chef aime ajouter à sa recette. Pour cette nouvelle saison automnale, le lièvre à la royale sera agrémenté de cardons, de châtaignes et d’une mousseline de céleri. 

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Des jours de travail: l'assiette de lièvre à la royale, immense classique de la gastronomie française.

De Frechon à Nobu. Jean-Briac Monboussin, 35 ans, vient d’une famille bretonne où l’on cuisine beaucoup: «Je suis un homme proche du produit, j’ai encore le souvenir du potager de ma mère et des grands repas de famille après le ramassage de pommes de terre et des petits pois dans la ferme de mes grands-parents». Le chef a trouvé sa voie au détour d’un stage de troisième fait en cuisine: «Je suis tombé sur les bonnes personnes, et cela m’a donné envie de faire ce métier. J’ai aussi beaucoup aimé le côté très cadré, presque militaire, des brigades de cuisine». Le chef précise: «Je n’ai eu que de belles expériences». Et c’est dans les sphères étoilées que Jean-Briac Monboussin apprend et s'épanouit. Depuis sa Bretagne natale, puis à Paris au Lasserre (auprès de Christophe Moret), d’Eric Frechon ou encore au Royal Monceau où il participe à l’ouverture du restaurant Matsuhisa du célèbre chef Nobu. À Genève, après un passage dans les cuisines des AD Hôtels, c’est dans le restaurant lacustre de la plage des Eaux-vives, le Restaurant de la Plage, que Jean-Briac Monboussin nous régale depuis trois ans et demi. 

 

Parfum de vanille. Le trentenaire a aussi l’âme voyageuse, une passion transmise par ses parents. Il a vécu à Madagascar, où il a cultivé de la vanille: «J’ai un lien particulier avec l’Afrique, notamment avec Madagascar qui évoque des souvenirs de mon enfance. Mes parents ont toujours eu une passion pour l’Afrique». Le chef précise: «Pour l’amoureux des produits que je suis, j’ai toujours voulu retourner à Madagascar pour y créer quelque chose. La vanille avait du sens. Aujourd’hui, cette activité - que je poursuis - me permet de conserver le lien avec cette île, mes amis sur place, mais aussi avec mes anciens collègues restaurateurs et chefs, à Paris notamment». Et preuve qu'il a la main verte, le chef proposera bientôt une carte de chasse végétale que l’on a aussi hâte de découvrir.

 

Restaurant de la Plage, à Genève.

 

Photos: Le Restaurant de la Plage, Genève Tourisme – Kelly de Geer, Sebastien Mathyer, Nouhad Monpays