Texte: Daniel Böniger Photos: Claudia Link
Le roi des légumes, depuis huit ans. Par un après-midi pluvieux de septembre, nous avons rencontré Pascal Steffen, bottes de caoutchouc aux pieds, à la ferme biologique certifiée Birsmattehof, près de Bâle. Le chef du Roots à Bâle, distingué par 18 points GaultMillau, intègre à plusieurs reprises dans son menu en plusieurs services les produits de cette exploitation située aux portes de la ville. GaultMillau et son partenaire Bio Cuisine l’ont désigné «Green Chef of the Year». «Je suis heureux que le chemin que j’ai choisi il y a près de huit ans soit aujourd’hui reconnu», confie le cuisinier de 39 ans.
Poisson et viande sont aussi au menu. Le chef n’a rien d’un dogmatique: il ne renonce ni au poisson ni à la viande, pas plus qu’aux truffes du Périgord ou aux vins italiens. Mais la plupart de ses créations prennent racine dans le légume. «Ce que je sers finit presque toujours par être décidé au champ», explique-t-il. Autrement dit: ce qui est de saison et disponible en quantité suffisante se retrouve dans l’assiette. Ainsi, ce jour-là, il réussit à mettre la main sur les derniers épis de maïs de l’année, qu’il charge dans le coffre de sa voiture. Résultat: son «maïs préparé comme un risotto» restera encore quelques jours à la carte. Un plat au goût incroyablement umami, composé de maïs, de sbrinz affiné quatre ans et de copeaux de cèpes. Même les feuilles de l'épi sont utilisées, pour le bouillon. Ce mets figure parmi ceux qui valent à Steffen son titre incontesté de «roi des légumes». Avant lui, Paolo Casanova et Nicolas Darnauguilhem avaient reçu la distinction de «Green Chef of the Year».
Essence de tomate, gougère fourrée au comté, daikon, tartelette à l'aubergine.
Plat signature «Roots Garden» différent chaque jour.
Le Green Chef s'y connaît non seulement en légumes, mais aussi en vaches.
Ecole Andreas Caminada. Sur le chemin du retour vers le quartier bâlois de Bachletten, la conversation glisse sur la question: comment devient-on un chef «vert»? Pascal Steffen évoque son enfance à St. Urban, dans le canton de Lucerne, où la maison familiale regorgeait toujours d’œufs, de jus de pomme fraîchement pressé et de légumes du fermier voisin. Puis viennent ses années passées au château de Schauenstein, auprès d’un Andreas Caminada encore fougueux et plein d’élan. «C’est là que j’ai appris qu’en haute gastronomie, on peut parfois inventer un plat à la dernière minute, juste avant le service», confie-t-il.
Les desserts sont également inspirés par la nature: une création à base de mirabelle, de shizo et d'amarante.
«Roots Garden» et ses 30 composants. Aussi spontanément que Pascal Steffen peut parfois imaginer de nouveaux plats, il y en a un dont il ne se défait plus: le Roots Garden, son plat signature, qui évolue presque chaque jour. Selon la saison, une trentaine de légumes du Birsmattehof sont disposés avec minutie, puis nappés d’une sauce d’un vert éclatant à la laitue. Ce deuxième service du menu se transforme sans cesse: selon la bouchée, il peut être croquant, piquant, amer, crémeux ou acidulé. Ne se lasse-t-il pas de ce plat qu’il prépare depuis l’ouverture? «Parfois, j’aimerais remplacer sa place fixe dans le menu, mais les clients adorent ce classique», reconnaît-il.
Une mousse à partir de parures de poisson. Le tout nouveau «Green Chef» se passe volontiers de thon, d’huîtres ou de foie gras. Dans la plupart de ses plats, ce sont les légumes de la région qui tiennent la vedette. Ainsi, des perles de concombre marinées côtoient de la capucine et un tartare de féra du lac des Quatre-Cantons. Même les parures du poisson trouvent une seconde vie: elles servent à préparer un dashi légèrement fumé, lié ensuite à la crème et à la gélatine pour devenir une mousse. Le plat principal s’annonce intense: une tranche d’entrecôte maturée maison avec un champignon koji rencontre un poivron doux-amer, détaillé en longs spaghettis. En supplément, un chawanmushi revisité façon gremolata.
Au «Green Chef 2026», même les murs du restaurant sont verts.
Des poivrons à la saveur douce et acidulée, accompagnent l'entrecôte à la crème d'oignons.
Et à la maison, comment cuisine Pascal Steffen? Se fournit-il aussi en produits bio et régionaux? «Le samedi matin, je vais souvent au marché», raconte-t-il. «Et le dimanche, je cuisine pour ma partenaire et moi avec mes achats.» La viande n’occupe pas forcément la première place non plus dans sa cuisine privée. Le week-end dernier, il a par exemple préparé un gratin de poireaux à la feta et aux noix grillées. Le pain bretzel rassis s’est transformé en crumble, tandis que girolles et fèves ont servi à composer une vinaigrette. Se reposer tranquillement à la maison? Très peu pour Steffen.
Que la rave commence! Les bottes de caoutchouc ont laissé place à la veste de chef. Dans la cuisine du Roots, betteraves, radis marinés, feuilles de salade et brocoli assaisonné sont déjà disposés sur les assiettes du «Roots Garden». Et, comme chaque soir à 18h23 précises – car sur ce point, Pascal Steffen n’a rien d’improvisé – résonne «Rave» de Sam Paganini dans les haut-parleurs. C’est le signal pour l’équipe: le service du soir du tout nouveau «Green Chef 2026» peut commencer.