Chiffre d’affaires en chute libre. «La baisse de chiffre d’affaires avoisine les 30%», affirme Didier de Courten (19/20), qui a fait l’expérience de la fermeture à 22 heures en vigueur en Valais depuis la semaine passée. «C’est très compliqué. Les clients doivent venir plus tôt, dès 18 h 30. Puis nous avons supprimé le chariot de fromages pour que le rythme reste agréable. Mais quoi qu’il en soit, les convives ne peuvent pas prolonger le temps passé à table. Résultat: moins de grands menus, moins de vins, de cafés et de digestifs.»

 

Cinq cents annulations. A Sion, Damien Germanier (17/20) fait le même constat. Plus encore que la fermeture à 22 heures, c’est la limitation du nombre de convives par table qui lui pèse: «Quand on parle d’additions à 500 ou 600 francs, la glisser sur la table à 21 h 45 ne fait pas plaisir. Mais heureusement, les gens se montrent compréhensifs. Par contre, la limitation à quatre a immédiatement engendré 500 annulations d’ici à la fin de l’année! Soit 100 000 francs de chiffre d’affaires perdus…»

 

Nouvelles mesures. Cela n’empêche malheureusement pas les cas de Covid-19 de continuer à exploser. Et le Conseil fédéral vient d’annoncer de nouvelles mesures : quatre convives maximum, comme en Valais, mais fermeture à 23 heures. Ces mesures, applicable dès aujourd’hui à minuit, pourraient se révéler catastrophiques pour les grands restaurants. Car là où une pizzeria ou une brasserie a une chance d’arriver à tirer son épingle du jeu, dans un haut lieu de la gastronomie, avec une ribambelle de collaborateurs et des menus à dix plats, c’est tout autre chose. Exemple, à Crissier, où Franck Giovannini est pensif, même si 23 h c'est déjà mieux que 22 h.

 

Repas de fête compromis. «Heureusement, les gens réservent encore, se réjouit le chef de l’Hôtel de Ville de Crissier (19/20). Mais je viens d’avoir une annulation d’une table de 15 convives. Pour le moment, nous pouvons compenser les annulations avec nos listes d’attente. Mais les choses pourraient se détériorer. Et ça juste avant Noël!» En effet, c’est habituellement à l’approche des Fêtes que le nombre de tablées de six ou huit convives, plus rares le reste de l’année, augmente. Avec une limitation à quatre, une partie de ces clients risque de renoncer à venir. «De plus, à notre niveau de prix, les gens sont en droit d’attendre de pouvoir manger à leur rythme. La fermeture à 23 heures pourrait donc bien les décourager.»

 

«C’est ingérable!» L’Hôtel de Ville de Crissier va donc prendre des mesures. «On va adapter l’horaire. Ouvrir à 18 heures et modifier les menus pour ceux qui ne peuvent pas venir tôt», explique Franck Giovannini. De son côté, Damien Germanier, fort d’une semaine d’expérience avec les limitations, avertit ses collègues d’autres cantons: «Pour un restaurateur, c’est ingérable. Ne serait-ce que parce que tout le monde arrive en même temps et que le service ne peut donc pas offrir la même prestation.»

 

Pas supportable. «Ce n’est pas bon du tout, affirme Philippe Chevrier. Avec de telles mesures, on crée une psychose qui laisse entendre que c’est au restaurant que l’on attrape le covid! De plus, je ne comprends pas pourquoi on laisse les gens aller au restaurant à midi, mais pas le soir. Ceci d’autant plus que le soir représente deux tiers du chiffre d’affaires de la majorité des restaurants. Je comprends l’urgence sanitaire, mais je ne crois pas que l’heure entre 23 heures et minuit soit aussi déterminante pour elle que pour les restaurateurs: pour nous, ce n’est simplement pas supportable, surtout pas à l’approche des Fêtes!» 

«Il y a de quoi flinguer la fin de l’année, craint Franck Giovannini. Mais la situation est bien pire dans certains pays voisins. Avec une obligation d’être rentré chez soi à 21 heures, comme en France, mieux vaudrait carrément fermer.»