Comme un resort. Aux beaux jours, le Palafitte, luxueux hôtel neuchâtelois, prend des airs de resort méditerranéen à l'atmosphère oisive et vacancière. Sa magnifique terrasse, pièce maîtresse de l'établissement cinq étoiles connu pour ses logis sur pilotis, y est pour beaucoup. La vue est somptueuse, avec les eaux claires du lac de Neuchâtel sous les yeux et les Alpes bernoises loin à l'horizon. C'est devant ce panorama de grande classe que l'on s'assied à La Table du Palafitte, le restaurant de l'hôtel (14/20).

Hotel palafitte

La terrasse de La Table du Palafitte est un sublime écrin d'été.

Comfort food. Depuis le départ du chef Maxime Pot, début 2024, la direction de l'hôtel a pris le temps de faire son introspection, et de s'interroger en profondeur sur les désirs de la clientèle. «Nous avons des Suisses alémaniques, des touristes internationaux, et des locaux qui viennent boire un cocktail ou dîner à La Table du Palafitte», confie la directrice Pauline Laurent. Autrement dit, la clientèle est variée. Plutôt que de s'engouffrer tête baissée dans la fine gastronomie et les assiettes complexes, elle a préféré axer sa stratégie sur une offre de restauration simple et classique, qui laisse une large part à la cuisine d'inspiration française. Un menu déjeuner en trois plats, avec au choix en plat principal, une daurade royale snackée ou de la volaille rôtie, est ainsi proposé à 54 francs. Mais l'objectif reste, à terme, de monter en gamme, notamment le soir.

Foie gras palafitte

Foie gras marbré à l'hibiscus, poivre de Kampot, rhubarbe confite et en pickles: un joli petit twist sur cette entrée classique.

Turbot Palafitte

Le turbot est nappé d'un curry doux avec de gros morceaux de darne de turbot. 

La fibre Donckele. Cela, c'est l'affaire de Ludovic Pigeat (grande photo tout en haut) qui attaque sa deuxième saison. À 39 ans, le Français s'est mis à la cuisine sur le tard, après des études d'histoire. Son père, chef de brasserie, a eu beau le décourager de se lancer dans la restauration, c'est la passion qui a eu le dernier mot. Ce départ tardif n'a pas empêché Ludovic Pigeat d'aller briller parmi les meilleurs, notamment chez Arnaud Donckele, dans son restaurant Plénitude à Paris (19/20, 3 étoiles). Il admire les légumes légers, «sans glaçages lourds», ainsi que «les talents de saucier» du Français sacré «Cuisinier de l'année» 2020 par nos confrères de GaultMillau France: «d'un simple jus de cuisson, il sort des sauces magnifiques, avec la marjolaine et la bergamote en curseurs». Le chef a également officié aux États-Unis, dans des brasseries Ladurée, et au Lutetia à Paris avec Benjamin Brial, désormais chef exécutif de La Réserve Genève (14/20), où Ludovic Pigeat a également officié.

Arnaud DOnckele

Arnaud Donckele, chef de Plénitude, inspire Ludovic Pigeat, notamment dans l'art de manier les sauces et les légumes.

Ludovic Pigeat

Ludovic Pigeat est un homme pressé, mais son expérience neuchâteloise lui apprend la patience.

Comprendre neuchâtel. Lorsqu'il est arrivé à Neuchâtel, Ludovic Pigeat a voulu aller très vite. «C'est vrai que j'aime bien quand ça envoie», rigole-t-il. Il a vite déchanté. Les clients ne l'ont pas suivi. «Je me suis rendu compte que la clientèle locale est assez frileuse», sourit-il, citant les bides de certains de ses plats contenant quelques ingrédients un tant soit peu «exotique», un simple coquillage ou une algue nori. En bonne intelligence, il a cependant su mettre son ego de côté et pris le temps d'observer et de comprendre son nouvel environnement. Il a passé du temps chez les producteurs, découvert les denrées du coin, dont la perche et la féra. Pari gagnant: après un peu plus d'un an, le restaurant est de plus en plus rempli le soir, affirme-t-il, de clients venus déguster ses menus gastronomiques en quatre ou six plats.

Filet de bœuf Palafitte

L'aubergine confite au miso accompagne à merveille ce filet de bœuf et son jus.

Pavlova palafitte

Si les assaisonnements se sont parfois montrés quelque peu timides, la pavlova fraise rhubarbe était une franche explosion de saveurs, de sucre et de fraîcheur.

Des plats lisibles Les hors-d'œuvre de la carte de cet été consistent en un tataki de thon barbotant dans une émulsion à la citronnelle, couvrant un émincé de chou rouge façon pickles. Puis en un demi-médaillon de foie gras mi-cuit, joliment marbré à l'hibiscus et accompagné de rhubarbe et relevé au poivre de Kampot. Une jolie alliance de classique français, avec une touche exotique, que l'on retrouve dans la suite. Le turbot est nappé d'une sauce au curry doux, tandis que le filet de bœuf est accompagné d'une aubergine confite au miso fondante et d'un siphon végétal à la moutarde. Simple, mais pas simpliste, avec des cuissons parfaites et des saveurs marquées.

 

«Y aller en douceur». Somme toute prudent, le menu de Ludovic Pigeat n'ira pas noyer les clients au plus profond du lac de Neuchâtel. Mais en enfilant trois gilets de sauvetage et deux bouées, le chef ne joue-t-il pas trop la sécurité? Cela fait partie du plan, rassure-t-il. «Nous y allons en douceur, avec une petite brigade appelée à grandir. Nous emmènerons notre clientèle vers nos objectifs, mais de manière progressive. Si on va trop vite, on risque de la perdre».

 

Photos: Mike Wolf, Hôtel Palafitte, Fabien Goubet, DR