Stucki / Tanja Grandits

Marco Böhler est le chef de cuisine du Stucki responsable de tout ce que Tanja Grandits n’aime pas trop faire. Comme cette pièce de viande de 10 kilos présentée sur un chariot: un carré de veau qui arrive tout droit de l’Oberland bernois. Il est garni d’asperges du pays de Bade, de pommes de terre de montagne de l’Albula et de moutarde en grains, et est escorté de tendre épaule de veau braisée (à la place de la traditionnelle joue). On le voit, Tanja Grandits est évidemment la star des lieux avec ses 19 points et son titre de «Cuisinière de l’année», mais elle ne laisse pas les autres dans l’ombre. A l’instar de Julien Duvernay, le pâtissier surdoué, et tant d’autres membres de la jeune brigade à qui on laisse parfois la bride sur le cou.
Et c’est parti pour ce repas de midi dans le magnifique jardin. Tanja Grandits célèbre une cuisine monochrome et privilégie tout ce qui est végétal. Les «Salutations vertes» sont un chef-d’œuvre en triptyque: ceviche de légumes (légumes marinés, limette, verveine fraîche, thé matcha et lait de coco); cracker d’épinard au thym, salade pommée au gel de pomme et de limette; herbettes sauvages et crème de fromage frais maison. Les «Salutations noires» ne sont pas tristes: rosettes de chou-fleur épluchées par la cheffe, incroyable sorbet à la moutarde du pâtissier et caviar de Belgique, issu d’esturgeons que Marco Böhler surveille au gré de ses divers voyages à Anvers. Le petit bun est lui aussi une merveille: son de blé, beurre brun, double crème battue et boule de Belp. Un démarrage en fanfare!
Tanja Grandits ose tout. Ses tranches de thon sont garnies de betterave rouge au four et de framboises, qui confèrent à l’ensemble l’acidité nécessaire. Pour le sandre du lac Majeur, elle propose une variante tout à elle: une sorte de sashimi pour lequel le poisson est à peine mariné vingt minutes dans le sel, le citron et le fenouil et arrive presque cru sur la table. L’omble au fruit de la passion, carottes et espuma de hollandaise au miso est laqué de piment: une recette personnelle de Tanja Grandits qui picote sans brûler. A l’heure des crustacés, on nous propose de la langoustine en «tortello» escortée de tomates fraîches.
Le grand menu ne comporte plus douze services mais huit ou neuf. Marco Böhler connaît apparemment bien les Vosges, où il a déniché de rares amanites des Césars qu’il apprête avec une relish de céleri et accompagne de fins gnocchis au parfum de malt – une idée de Tanja Grandits. De son côté, Julien Duvernay opte pour la légèreté à l’heure du dessert: il combine merveilleusement les fraises, la glace à la camomille et une mousse de babeurre.
Les sommeliers Grégory Rohmer et Christian Juppe ont encore étoffé la déjà solide carte des vins. Notamment au chapitre des champagnes, la boisson préférée de la cheffe. Nous avons opté pour le vin au verre: Sketch 2018 de Raúl Perez avec le thon, le sandre et les ris de veau, 350 N.N. 2018 du domaine Odinstal, dans le Palatinat, pour l’omble et la langoustine et merlot Montagna Magica 2016 de Daniel Huber pour le veau. (Cela dit, la dernière trouvaille de Tanja en matière de boisson sans alcool est un mariage de mangue, de gingembre et de curcuma.) A noter encore que la cheffe vient de publier un nouveau best-seller: Tanja vegetarisch, 100 recettes végétariennes à mitonner chez soi.