La Croisette

Cette Croisette tient de la montre à grande complication: l’emballage est raffiné, le savoir-faire millimétré et le storytelling parfait. Au chic du lieu – le lounge gastronomique est installé dans un beau salon tendance, agrémenté de profonds fauteuils à oreilles où les convives prennent place – répond un service en gants blancs d’une magnifique prévenance. Et la cuisine, elle, a pris un véritable envol depuis l’an passé.
Tout commence fort bien avec des amuse-bouches en dînette à la mise en scène soignée: radis en coque de beurre, croustille de pomme de terre au jambon cru et crème de topinambour agrémentée de céleri, de tomate séchée et de salicorne en verrine qui embaume la fève tonka. C’est complexe, mais convaincant. On note encore les sept pains maison et leurs trois beurres, et la très jolie carte de vins plutôt prestigieux mais affichant des tarifs très avenants. Et voici qu’arrive un tartare de saumon aux chips de céleri offrant un aimable dialogue de saveurs et de textures. Puis on passe en mode grande gastronomie avec un plat d’un luxe inouï: une effilochée de langoustine déposée sur une gelée de homard et coiffée d’une généreuse couche de caviar osciètre impérial. C’est beau, frais, équilibré et dressé avec maestria, avec de petits dômes de chou-fleur pertinents et gourmands.
On poursuit sur la même ligne avec un nouveau dressage superbe pour ce millefeuille de perche Loë émiettée auquel de l’avocat tendre et de la tomate goûteuse confèrent onctueux pour l’un, fraîcheur pour l’autre. Le tout est rehaussé d’exquis points de mangue. On poursuit avec un original, mais peut-être inutile, coup du milieu mêlant melon glacé et en billes, poivre du Sichuan, menthe poivrée et tuile de jambon cru. Il annonce le lieu jaune et ses petits légumes de saison en merveilleuse émulsion au safran. Puis s’avance le bœuf en tronçons à la cuisson parfaite. Une sauce au porto, de la moelle panée et du caviar St. James l’accompagnent avec bonheur. Clou du spectacle, le dessert en forme de pot de fleur chocolaté agrémenté de griottes. Un sans-faute, donc, qui induit un point de plus et pourrait bien en annoncer d’autres.