Café de la Paix
Ce n’est pas de gaieté de cœur qu’on le dit: on est déçu, déçu par une adresse dont on aimait tout. Quoi de mieux qu’un authentique bistrot de quartier avec son zinc, son sol de carreaux mouchetés, ses grands miroirs adossés aux banquettes et ses plafonniers un peu dingues, seule trace d’audace d’une rénovation particulièrement réussie? La cuisine y était bistrotière, gourmande, oui, joyeuse, généreuse et chic. Florian Le Bouhec avait passé la main, mais l’arrivée de Philippe Durandeau n’avait pas entamé notre enthousiasme, d’autant plus que la cuisine était restée canaille et l’accueil chaleureux. Une fois, deux fois, on a trouvé les cuissons et les assaisonnements approximatifs, les prix un brin prohibitifs, les tarifs de la carte des vins indécents. Mais on restait confiant. Ce midi, l’accueil bon enfant est toujours charmant. Pas de menu d’affaires, pas de plat du jour, ici on mange à la carte, quelques suggestions en bonus. On attaque avec un os maousse. Sa moelle donne la curieuse sensation d’avoir été hachée et son goût est noyé sous une pluie d’échalote. Quant aux toasts qui l’accompagnent, ils sont carbonisés. Ça commence mal. Une fine tranche de pâté de campagne plus tard, on reste optimiste. Mais la chair du pâté manque de mâche autant que de saveur et une gelée trop ferme sert d’amortisseur à une pâte sans âme. Pour compléter l’assiette, aucun buisson de verdure, mais un chutney maison criblé de graines de moutarde et de larges zestes d’orange à peine cuits. On veut croire que les plats nous remettront en selle, mais que dire de cette côte de veau facturée au prix fort? De très belle qualité, elle arrive toute nue, à peine rehaussée d’un jus sans saveur. Rien ne l’accompagne si ce n’est une prise de sel en gros cristaux qui laminent les papilles et une pomme purée aigrelette qu’on goûtera à peine. Le poulet à la crème n’est pas plus inspiré. Il baigne dans une sauce liquide tout juste égayée par une picotée de persil haché. On passe sur les coquillettes de la garniture, crémées elles aussi. Les légumes brillent par leur absence. Là, on commence à se décourager. Va-t-on poursuivre avec un dessert? On se lance. Mais la pâte levée de la tarte tropézienne rappelle bigrement le pain au sucre de la récré de la veille et la crème jaune vif qu’elle embrasse chantonne un air de cantine scolaire bien loin des mélopées vanillées espérées.
Heureusement, le plaisir arrive enfin sous la forme d’un baba tout frais qui a le mérite d’être généreusement inondé de rhum sous nos yeux et qui s’accompagne d’une voluptueuse quenelle de chantilly. Un plaisir simplement parfait qu’on a attendu tout le repas.
Ce n’est pas de gaieté de cœur qu’on le dit: on est déçu, déçu par une adresse dont on aimait tout. Quoi de mieux qu’un authentique bistrot de quartier avec son zinc, son sol de carreaux mouchetés, ses grands miroirs adossés aux banquettes et ses plafonniers un peu dingues, seule trace d’audace d’une rénovation particulièrement réussie? La cuisine y était bistrotière, gourmande, oui, joyeuse, généreuse et chic. Florian Le Bouhec avait passé la main, mais l’arrivée de Philippe Durandeau n’avait pas entamé notre enthousiasme, d’autant plus que la cuisine était restée canaille et l’accueil chaleureux. Une fois, deux fois, on a trouvé les cuissons et les assaisonnements approximatifs, les prix un brin prohibitifs, les tarifs de la carte des vins indécents. Mais on restait confiant. Ce midi, l’accueil bon enfant est toujours charmant. Pas de menu d’affaires, pas de plat du jour, ici on mange à la carte, quelques suggestions en bonus. On attaque avec un os maousse. Sa moelle donne la curieuse sensation d’avoir été hachée et son goût est noyé sous une pluie d’échalote. Quant aux toasts qui l’accompagnent, ils sont carbonisés. Ça commence mal. Une fine tranche de pâté de campagne plus tard, on reste optimiste. Mais la chair du pâté manque de mâche autant que de saveur et une gelée trop ferme sert d’amortisseur à une pâte sans âme. Pour compléter l’assiette, aucun buisson de verdure, mais un chutney maison criblé de graines de moutarde et de larges zestes d’orange à peine cuits. On veut croire que les plats nous remettront en selle, mais que dire de cette côte de veau facturée au prix fort? De très belle qualité, elle arrive toute nue, à peine rehaussée d’un jus sans saveur. Rien ne l’accompagne si ce n’est une prise de sel en gros cristaux qui laminent les papilles et une pomme purée aigrelette qu’on goûtera à peine. Le poulet à la crème n’est pas plus inspiré. Il baigne dans une sauce liquide tout juste égayée par une picotée de persil haché. On passe sur les coquillettes de la garniture, crémées elles aussi. Les légumes brillent par leur absence. Là, on commence à se décourager. Va-t-on poursuivre avec un dessert? On se lance. Mais la pâte levée de la tarte tropézienne rappelle bigrement le pain au sucre de la récré de la veille et la crème jaune vif qu’elle embrasse chantonne un air de cantine scolaire bien loin des mélopées vanillées espérées.
Heureusement, le plaisir arrive enfin sous la forme d’un baba tout frais qui a le mérite d’être généreusement inondé de rhum sous nos yeux et qui s’accompagne d’une voluptueuse quenelle de chantilly. Un plaisir simplement parfait qu’on a attendu tout le repas.