Quelles sont les qualités requises pour un inspecteur au guide GaultMillau?


Nous sommes 19 testeurs en Suisse romande. Certains sont issus des métiers de bouche, mais pas tous. Il faut évidemment être collectionneur de bonnes adresses et avoir une bonne capacité d’analyse. Mais il est aussi nécessaire de connaître l’histoire et la culture culinaires. Autres qualités essentielles: la bienveillance et le respect, sans que cela tombe dans la complaisance. Notre but n’est pas de chercher l’erreur, mais de traquer l’excellence.

 

Comment le guide s’y prend-il pour dénicher les nouveaux talents?


La base, c’est d’avoir un réseau solide: nos 70 testeurs, prioritairement. Il faut aussi suivre l’actualité via la presse et les réseaux sociaux. Depuis deux ans, nous avons surtout élargi notre réseau grâce au GaultMillau Channel (www.gaultmillau.ch), où nous publions au quotidien nos découvertes de tables et de chefs – du food truck au grand restaurant – que nous pouvons ensuite suivre et dont une partie peut, à terme, entrer dans le guide.

 

Qu’est-ce qui distingue l’édition 2020 des précédentes?


Cette édition reflète une prise de conscience des restaurateurs. Moins de produits de luxe, plus de local, de bio, de surprises (avec des fleurs, par exemple) et des produits inédits mais de la région. Il y a aussi toute une réflexion sur la consommation de viande.

 

Etre un critique à visage découvert ne donne-t-il pas droit à un traitement de faveur?


Nos inspecteurs sont impossibles à identifier; ils se comportent comme n’importe quel client et paient leur addition. La prise de notes n’attire plus l’attention, car tous les «vrais» clients ont le nez sur leur téléphone et prennent des photos! Cela dit, je réserve sous mon vrai nom, ce qui implique que je peux être reconnu. Le chef peut donc se montrer particulièrement attentif, mais il ne peut pas inventer une autre cuisine parce que je suis là.

 

Comment établissez-vous l’échelle des notes?


Les notes sont l’ADN du GaultMillau. Mais la cuisine ne se résume pas à de l’arithmétique: il y a forcément une part de subjectivité. Quoi qu’il en soit, les notes s’imposent très naturellement.De 14 à 15, on passe d’une table gourmande à une table raffinée. A 18, c’est un aboutissement, et un 19, c’est un ovni. C’est le degré de complexité et d’audace qui fait la différence. La régularité, aussi. Aucun restaurant suisse n’affiche un 20.

 

Pourquoi?


La perfection n’existe pas. Sur le principe, je n’attribuerais jamais un 20. Cela me paraîtrait présomptueux, et couperait court à toute marge de progression. Se limiter au 19, signe d’excellence, me semble intellectuellement plus défendable.

 

Avez-vous déjà reçu des plaintes de cuisiniers mécontents des critiques du guide?


Oui et c’est normal, il n’est pas agréable d’être jugé. Mais si les röstis sont crus, ils le restent. Contrairement à d’autres guides, le GaultMillau a l’avantage de la transparence: nos points de vue sont argumentés. En règle générale, après discussion avec les restaurateurs, nous restons donc en bons termes.

 

Les guides gastronomiques n’exerceraient-ils pas un trop grand pouvoir sur les restaurateurs?


Les restaurateurs ne sont pas dans une bulle, ils sont tous les jours exposés au jugement. GaultMillau est un avis parmi d’autres, sévère, certes. Mais contrairement à des avis dispensés sur un nombre croissant de sites, les nôtres sont respectueux des restaurateurs et de leur métier difficile. Notre rôle est de guider les consommateurs vers de bonnes tables. Une démarche éminemment positive.

 

Comment envisagez-vous l’avenir des guides?


Je suis persuadé que notre rôle sera de plus en plus important. La preuve, le site du GaultMillau Suisse connaît un succès extraordinaire, surtout auprès d’un public jeune. Cela montre bien que les consommateurs sont à l’affût d’informations vérifiées et crédibles. Et je m’en réjouis.