Texte: Urs Heller
PLUS QU'UN SIMPLE NOM. Dans la célèbre famille d'hôteliers zurichois, les Kracht, qui dirige le luxueux Baur au Lac, bastion de la tradition, depuis sept générations, on s'appelle soit Andrea, soit Marguita. Mais jusqu'à aujourd'hui, on n'avait pas encore donné ce nom au restaurant-phare de l’établissement. C'est désormais chose faite, pour un nouveau concept, celui d'une cuisine méditerranéenne simple, mais de toute première qualité, servie dans le superbe jardin de l'hôtel, ou, en cas de mauvais temps, dans l'ancien Pavillon. Ceci dit, Marguita Kracht n'a pas seulement prêté son nom à ce restaurant. On trouve aussi la patte de la jeune mère dans le nouveau concept culinaire, elle qui assume de plus en plus de tâches stratégiques dans la maison dirigée par ses parents, prête à écrire un nouveau chapitre de cette étonnante histoire familiale. (Graphe photo ci-dessus: voici à quoi ressemblera Marguita: le nouveau restaurant du Baur au Lac. En été, on mange dehors, dans le jardin.)
LE «TRIO INFERNAL» RESTE. Les foodies zurichois et les nombreux habitués n’avaient pas fait montre d'un grand enthousiasme quand le restaurant le Pavillon a définitivement fermé ses portes à la fin de l'année dernière et que les pelleteuses ont fait leur apparition. Beaucoup ont regretté la fin d'une belle aventure, puisque la table du Baur au Lac avait obtenu 18/20 au GaultMillau et deux étoiles Michelin. La bonne nouvelle, c'est que le «trio infernal» responsable pendant des années du succès de cette table gastronomique n'a pas quitté le navire. Il continue d'occuper les postes clés de ce nouveau projet, notamment Maximilian Müller, qui travaille dur depuis des mois sur la nouvelle carte. Ce chef, qui fait partie des meilleurs cuisiniers du pays, est d'ailleurs en train de tester les premiers plats. Aurélien Blanc, le maître d'hôtel, reste aussi, pour accueillir ses hôtes, tout comme Marc Almert le fameux sommelier.
RIVIERA SUR LA LIMMAT. Mais, concrètement, qu'est-ce qui sera proposé au Marguita? «De la cuisine de la Riviera! Nous allons mettre sur la carte les meilleurs plats de l'espace méditerranéen», assure Christian von Rechenberg, le directeur général du Swiss Deluxe Hotel. Une tâche qui réjouit Maximilian Müller. «C'est excitant, explique le chef, on va pouvoir composer une carte géniale autour de cette thématique». Il a d'ailleurs déjà élaboré le plat signature, un bar en croûte de sel, avec une vinaigrette à la tomate qui fait toute la différence. Sans oublier du caviar dans le beurre blanc. Car, dans un hôtel de si grand luxe, on se permet aussi un peu de luxe dans les plats. Il y aura également, sur cette carte, de la place pour quelques propositions un peu folles. Max Müller, qui vient de rentrer de la pêche au crabe royal en Norvège, a d'ailleurs eu une idée qui risque de faire du bruit, le «King Crab Rossini»!
LE JUGEMENT DES GUIDES? ON VERRA LEUR RÉACTION. Ceci dit, un chef habitué à la haute gastronomie a-t-il vraiment envie de faire une cuisine moins sophistiquée, plus décontractée? Pour Max Müller la question ne se pose même pas. «Je soutiens pleinement le projet. D'ailleurs, je ne veux pas seulement participer à la phase de lancement, mais rester sur le long terme!» Ce qui ne veut pas pour autant dire que le chef va se priver des points et des étoiles délivrés par les guides. «Si le GaultMillau ou le Michelin apprécient notre cuisine, nous ne refuserons pas les honneurs», sourit Christian von Rechenberg. Il ajoute cependant que la cuisine pourra désormais servir jusqu'à 120 personnes, et ce, sept jours par semaine. Ce qui nécessite une brigade importante, qui va compter 19 cuisiniers, et un collaborateur solide pour seconder Max Müller, Jendrik Wollesen, qui sera le jeune et talentueux sous-chef. Revenant sur le jugement des guides, Max Müller ne s'inquiète pas trop. Après tout, comme il l'explique, «Heinz Beck a obtenu trois étoiles à Rome avec ses tortellini...»
DES INVESTISSEMENTS POUR MAINTENIR LE NIVEAU. Le Baur au Lac est actuellement un grand chantier. La famille Kracht investit des millions pour maintenir le niveau élevé de l'hôtel. Pour le Marguita, cela signifie une cuisine flambant neuve, des chambres froides. Mais la famille n'oublie pas non plus ses employés. Comme l'explique Christian von Rechenberg, «nous voulons qu'ils se sentent bien au Baur au Lac!» Par exemple avec un nouveau restaurant pour le personnel. Certes, sans vue directe sur le lac, mais avec un écran vidéo géant. Des caméras sur le toit de l'hôtel captent tout ce qui se passe à l'extérieur. Et donc, sur le lac aussi.
Photos: HO