L’oeil bleu, le cheveux court, la stature solide, Nicolas Joss, 35 ans, est directeur de l’Office des Vins Vaudois (OVV) depuis cinq ans. Alors qu’il s’apprête à quitter son poste l’année prochaine, nous avons rencontré ce cuisinier de métier, formé à la sommellerie avant de décrocher son diplôme de l’Ecole Hôtelière de Genève. Il nous accueille un verre à la main, dans le cadre somptueux du Royal Savoy à Lausanne: éclat limpide et doré, arômes mûrs et intenses, c’est un chasselas 2012 qu’il nous propose pour trinquer à la santé du vin vaudois, de la vendange actuelle particulièrement prometteuse, et de l’avenir d’une viticulture Suisse en plein essor.

Boire du chasselas 2012, donc vieux, ça n’est pas incongru?

Au contraire! D’abord, 2012, c’est l’année de mon entrée en fonction à l’OVV. Et au-delà du clin d’oeil, je suis grand amateur de vieux chasselas. J’en achète chaque année pour le laisser vieillir.

 

Et le millésime 2017, comment se présente-t-il?

La qualité de la récolte 2017 est magnifique. Les quantités sont un peu plus faibles suite au tour que nous a joué la nature dans certaines régions, mais quel équilibre! On a des taux de sucre et d’acidité qui sont proches de la perfection et nous apporterons des vins proches de l’excellence. On pourrait être encore supérieur à 2015 selon les cépages. Ce sera un grand millésime.

 

Nicolas Joss directeur de l'OVV

Nicolas Joss est un amateur de vieux chasselas. Il nous sert un 2012, décanté pour lui permettre de s’ouvrir.

Dans d’autres cantons, les vignobles ont souffert du gel. Les vins vaudois, moins affectés, vont-ils en retirer un avantage?

Certaines régions ont été très lourdement touchées. Mais il ne faut en aucun cas se réjouir de cette situation. Ce sont nos amis, pas nos ennemis! Ce qui importe, c’est de ne pas laisser s’affaiblir le positionnement des vins suisses dans leur ensemble. Plutôt qu’en termes de concurrence, c’est dans une optique d’entraide qu’il convient d’envisager la situation. Les vignobles suisses doivent être solidaires.

 

Et comment le vin vaudois peut-il venir au secours d’autres cantons?

Il est essentiel de répondre à l’ensemble de la demande. Vu la qualité exceptionnelle de cette vendange, le volume des récoltes en terre vaudoise permettra de fournir des vins à l’ensemble des sollicitations, qu’il s’agisse du monde de la gastronomie, de la grande distribution, ou de la clientèle privée. Notre objectif reste de limiter l’importation de vins étrangers à bas prix.

 

Nicolas Joss directeur de l'OVV

Au nez, des arômes de pommes mûres, avec des notes légèrement safranées.

Le prix, justement… Celui des vins suisses n’est-il pas simplement trop élevé?

Pas du tout. On trouve des vins vaudois et suisses pour tous les budgets. De plus, à qualité égale, nous sommes tout à fait concurrentiels, voire plus avantageux.

 

Et la qualité, justement, comment la jugez-vous?

Les vins suisses ont connu une évolution qualitative spectaculaire au cours des dernières années. Une chance, puisque c’est l’un des rôles de l’OVV de le faire savoir, ou mieux, de le faire comprendre. C’est d’ailleurs dans ce but que nous misons sur une collaboration avec le GaultMillau Channel, que nous avons choisi de soutenir dans le cadre d’un partenariat.

 

Quels succès l’OVV a-t-il à son actif?

Promue par l’OVV, l’appellation de «1er grand cru» instaurée en 2012 est un gage de qualité qui a fait ses preuves. Vingt-huit crus sont aujourd’hui certifiés, contre 12 en 2012. Cela démontre la volonté du vignoble à valoriser un patrimoine viticole. Les nombreuses actions visant à rapprocher la viticulture et la restauration portent également leurs fruits. On retrouve du chasselas dans toutes les grandes tables de Suisse et il y est valorisé. Et surtout, les caves ouvertes enregistrent un succès toujours croissant. Toutes ces actions contribuent à valoriser le vin et à éduquer le consommateur à la qualité.

 

 

Apéritif Nicolas Joss

Au Royal Savoy, une délicieuse planchette apéritive.

Le regard des consommateurs a donc évolué?

Oui, les amateurs de vin sont de plus en plus épicuriens et critiques. On ne peut pas les tromper. Et ce qui me réjouit, c’est qu’ils sont de plus en plus jeunes: cette année, les caves ouvertes ont attiré 45% de jeunes gens âgés de 18 à 35 ans! De plus, les femmes représentent presque 50% des visiteurs et on voit que ce sont de plus en plus souvent elles qui font les choix et déterminent les achats.

 

 

Quels sont les principaux chantiers d’avenir pour l’OVV?

La perspective de la Fête des Vignerons de 2019, à Vevey. Cette fête nationale, inscrite au patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO, offre une occasion de plus à l’OVV de poursuivre ses actions et de se profiler en outil logistique pour le monde de la vigne.

 

Malgré cela, vous venez d’annoncer votre départ, au printemps prochain. Marre du vin vaudois?

Pas du tout! Mais après cinq ans, pour garantir une action performante, il faut des regards novateurs, des énergies nouvelles. Pour ma part, je veux d’abord faire un point de situation. Mais je n’exclus pas de rester en lien avec le monde du vin auquel je suis très attaché.

Nicolas Joss directeur de l'OVV

Nicolas Joss quittera ses fonctions début 2018, après cinq ans de travail intense à l’OVV.