Texte: Siméon Calame | Photos: Julie de Tribolet

«Sauveur du village». «Ce n’est pas normal qu’un village comme La Brévine (NE) n’ait pas de boulanger.» De son air décidé et avec un ton bien à lui, Christian Lebrat (en grande photo ci-dessus) est fier d’avoir redonné vie à un village «qui n’aurait plus tenu encore longtemps sans un lieu social aussi fort qu’une boulangerie». Fier, mais aucunement prétentieux: «Je n’ai rien inventé et ne fais que du pain.» Tout de même: de 2018 à 2020, plus personne n’utilisait le fournil du mythique village neuchâtelois connu pour ses records de froid (surnommé pour cela la Sibérie de la Suisse) et les commerces faisaient grise mine. Puis est arrivé cet Auvergnat quadragénaire et bourlingueur, tombé amoureux de la région au premier coup d'œil. «Tout me rappelle mon enfance à Bouzel, à 20 kilomètres de Clermont-Ferrand (France), raconte-t-il. C’est un petit village dynamique où l’ambiance est conviviale, tout ce que j’aime.» Il a pourtant fallu tenir bon au début. D’abord considéré comme «l’étranger», Christian s’est petit à petit fait accepter par les aînés du village avant de devenir un «vrai» Brévinier.

Boulangerie de la Brevine

Le meunier Gérald Tock et le boulanger Christian Lebrat se sont liée d'amitié...

Boulangerie de la Brevine

... et collaborent pour mettre en avant la farine et les blés de la région.

Des pains bien cuits. Symbole fort de son attachement à la bourgade, Christian a tout de suite confectionné un pain en hommage à ce village: le Sibérien. Epaisse croûte craquante, cuisson poussée («J’en ai marre de ces pains mous et pas cuits!»), mie très alvéolée: ce pain n’est pas façonné et sa forte hydratation lui donne une agréable légèreté. De leur côté, les croissants, rustiques à l'œil, sont délicatement beurrés et vraiment agréables à croquer. Ce si bon goût vient des matières premières que Christian utilise: «Je travaille avec les œufs des poules et le lait des vaches de La Brévine», résume-t-il en souriant.

Boulangerie de la Brevine

Grand baroudeur, Christian a finalement trouvé chaussure à son pied en atterrissant à La Brévine.

Boulangerie de la Brevine

Il y propose une viennoiserie de pure tradition française, que l'on croque à pleines dents!

«Record du monde» battu! En arrivant en Suisse, le boulanger s’est aussi mis – «évidemment» – aux produits romands et neuchâtelois: sèches au kirsch (une pâte feuilletée recouverte d’un glaçage au sucre glace et au kirsch), caracs de plusieurs couleurs, taillaules… Celles-ci lui tiennent particulièrement à cœur. Lors de la Fête du froid, le 4 février dernier, Christian a en effet battu le record de la plus grande taillaule neuchâteloise: 4,18 mètres (en souvenir du record de -41,8°C en 1987) de brioche citronnée aux raisins secs qui ont convaincu toute la vallée!

Boulangerie de la Brevine

Lors de la Fête du Froid, en janvier dernier, le boulanger a réalisé la plus grande taillaule neuchâteloise: 4m18!

Boulangerie de la Brevine

Sèche au kirsch, carac, baguette... L'offre est large et met autant en valeur les spécialités locales que les grands classiques français.

Un homme ambitieux. Plus que du pain, des viennoiseries et des pâtisseries, Christian Lebrat a surtout apporté l’art du chocolat au Val-de-Travers. «Mon neveu Théo est mon associé et c’est lui qui s’occupe du chocolat, précise-t-il. Nous réfléchissons ensemble aux montages, mais c’est lui qui les réalise.» Pour la Fête des mères en 2021, oncle et neveu ont conçu des chaussures à talon en chocolat: «Une création qui a beaucoup surpris, car on ne voit pas cela dans les zones reculées comme La Brévine ou Bouzel.» Pourtant, la chaussure a tellement plu que les deux artisans ont dû en confectionner de nouveau deux jours avant la date fatidique. Malicieux, Christian ajoute qu’il voudrait ouvrir une ribambelle de succursales de la Boulangerie de La Brévine à travers la Suisse romande, «afin de faire rayonner ce village et ses magnifiques produits». Une belle reconnaissance envers sa commune d’adoption.​