Texte: Knut Schwander Photos: HO

Quelle a été votre réaction quand vous avez appris la nouvelle de la fermeture du Pont de Brent?

J’avais pris rendez-vous il y a quelques jours avec Amandine Pivault et Antoine Gonnet, pour leur demander comment se passaient les choses. C’est alors qu’ils m’ont annoncé que c’était désormais entre les mains du juge. Ça a été un choc. Ce restaurant, c’est un peu notre bébé, à mon épouse et à moi-même. Et j’ai mis beaucoup d’espoir dans sa reprise par ce jeune couple. J’aurais aussi apprécié d’être mis au courant plus tôt.

 

Comment vivez-vous cette fermeture?

Je suis dépité. C’est tellement abrupt. C’est un gros choc émotionnel. Pour la deuxième fois, en plus! J’avoue que je suis découragé. J’ai été atteint dans ma santé ces dernières années et je réalise que ces rebondissements me pèsent, m’attristent et m’ôtent le sommeil. Je dois à présent me libérer.

 

Vous attendiez-vous à cette issue?

J’ai entendu beaucoup de bien de la cuisine d’Antoine Gonnet. Mais comme nous habitons à deux kilomètres du restaurant, il m’arrive de passer devant en voiture. J’ai donc pu constater que le parking était souvent peu occupé. Je me suis évidemment posé des questions. C’est d’ailleurs pour ça que j’ai demandé cette rencontre.

 

Comment expliquez-vous que vos successeurs ne soient pas parvenus à poursuivre l’aventure du Pont de Brent?

Ce n’est pas une question de compétences: ça, ils les ont. Mais les conditions ne sont plus les mêmes. Il faut à présent limiter le personnel. Et, je pense que la clientèle d’ici ne comprend pas que l’on demande des arrhes, par exemple, comme c’est de plus en plus le cas dans les capitales européennes ou aux Etats-Unis. Mais tout ça est complexe et il ne m’appartient pas de juger.

 

Le loyer était-il trop élevé, ou l’outil de travail désuet?

C’est une belle maison, avec une cuisine de 140 mètres carrés de plein pied, bien équipée, spacieuse avec des chambres froides. Et nous avions fait des rénovations. Je ne pense pas que les murs soient le problème. L’accès au restaurant avec le parking privé est aisé. Quant au loyer, nous l’avions fixé à un niveau très raisonnable.

 

Le monde de la gastronomie est-il en perte de vitesse?

Il y aura toujours de la place pour des grands restaurants. La situation a néanmoins beaucoup évolué. La clientèle est toujours là. Mais les charges ont augmenté. Et les clients attendent beaucoup, sans supporter de contraintes. 

 

Comment envisagez-vous l’avenir du Pont de Brent?

Je vous l’ai dit, je suis découragé. Je ne veux pas que cette maison reste vide trop longtemps. J’hésite encore: faut-il trouver un repreneur, pour la troisième fois. Je préférerais vendre pour me libérer. Dans ce cas de figure, ce qui me chagrine, c’est que le Pont de Brent risque bien de ne pas rester un restaurant. Pour moi c’est un deuil.