Remettre l’alimentation au centre. Elle a l'œil rieur et l’assurance des personnes sûres d’elles. D’elle, on ne connaîtra que son nom d’artiste: Emma Noir. Artiste? Oui: photographe. Une photographe douée, qui manie à merveille les formes, les couleurs et les textures des aliments pour composer des tableaux photographiques décalés et hors du temps (ou plutôt en avance sur son temps?). La jeune femme s’engage aussi pour des causes qui lui tiennent à coeur, comme les caracs roses d’Octobre rose. Son dada: jouer avec les codes des publicités du luxe, en mettant ces aliments en scène, à l’instar des montres ou des habits de grandes marques: «L’alimentation joue aujourd’hui un rôle dérisoire dans la vie des gens, au contraire de ces biens matériels. J’ai envie de redonner une importance à ces légumes, ces fruits, ces fromages, ces viandes… en les mettant à la lumière.»
«Le fromage, c’est la vie!» Au quotidien, Emma travaille pour des restaurants, des maraîchers, des vignerons… et peut-être bientôt pour des fromagers. Car depuis le printemps 2022, la jeune femme s’est entichée des fromages du Pays-D’Enhaut. Point de départ: le Festival International de la Photographie Culinaire (FIPC), qui se tient cet automne à Paris et dont le lauréat sera connu début décembre. Le thème du festival? «Le goût du lait.» «J’avais déjà pris part à l’édition de 2020, et le sujet me parle beaucoup, sourit Emma. Je suis Auvergnate: le fromage, c’est toute ma vie! Et je voulais mettre en valeur les produits helvétiques.» Dans la tête de la jeune femme, ça fuse: fromages, affinages, alpages… mais aussi visages, voyages, personnages. La v’là qu’elle va à L’Etivaz.
Plus qu’un concours: Emma voit ce projet comme une aventure en tant que telle et approche cinq fromageries (qui produisent du Gruyère, du L’Etivaz, de la tomme Fleurette, du Sapalet et du Piat). En partant, l’espiègle artiste imaginait un travail de studio centré sur le fromage, qui a selon elle une vie entière: une naissance, une enfance, une adolescence, une phase de maturité, un temps de stabilité et une mort. «Ce sont ces étapes de «vie» que je souhaitais mettre en lumière dans mes clichés, explique-t-elle. Valoriser de manière créative ces produits vivants en jouant avec les différents stades d’affinage, les formes, les textures, en sculptant la matière…» Mais elle se rend à l’évidence: le fromage est une chose, et il y a tout le reste.
Pas de gaspillage! «Lors de ces deux jours dans ces alpages, j’ai découvert un monde que je connaissais peu, admet la photographe. J’ai rencontré des femmes et des hommes qui ne vivent pas forcément de leur passion, mais surtout pour leur passion.» Travaux, ambiances, productions: rien n’échappe à son œil. Elle remplit ainsi son dossier de portraits, de scènes, d’outils, sans oublier cependant les sculptures de fromages. À ceux qui lui répondront qu’on ne joue pas avec la nourriture, Emma précise valoriser tout bientôt ces produits lors de deux repas avec l’équipe de la Cantine Pop-Up (un service traiteur lausannois) chez Hyperaktiv à Renens. Assurément, Emma Noir valorise les aliment jusqu’au bout.