Brigade décimée. En cette fin d’après midi, Franck Reynaud, le chef de l’Hostellerie du Pas de l’Ours, à Crans-Montana (18/20) sort à peine de sa cuisine: «Je n’ai même pas eu le temps de suivre les annonces du Conseil Fédéral», lance-t-il. Il faut dire que, incertitude oblige, pour le moment ils sont trois en cuisine, au lieu de 14! Et s’il avait fallu fermer à 19 heures, ce sont les deux tiers de sa brigade qui se seraient retrouvés au chômage: «La majorité des collaborateurs prévus pour la saison arrivent cette fin de semaine. Jusqu’à aujourd’hui, on ne savait pas quoi leur dire». Les annonces de ce début d’après-midi sont donc une excellente nouvelle pour ce restaurateur de station d’hiver romande qui voit pour l’instant arriver en visiteur de prestigieux confrères français qui eux ne peuvent pas travailler du tout: «Estimons-nous heureux par rapport aux pays voisins. Nous pouvons travailler et quoi qu’il arrive, on va s’adapter». L’hôtel, en tous les cas, n’a pas enregistré d’annulations de réservations, même de la part des clients français qui préfèrent payer une amende à leur retour que rester confinés.

 

Epée de Damoclès. A Delémont, Clément Bourgeois se réjouit aussi des mesures annoncées pour le canton du Jura et les autres cantons romands. C’est tout début mars que l’ancien second de Georges Wenger au Noirmont ouvrait son tout nouveau restaurant, la Teinturerie. Sur neuf mois d’exploitation, il est donc resté fermé trois mois et demi! De quoi s’inquiéter. Heureusement son restaurant est doublé d’une épicerie fine qui lui a permis de travailler un peu tout le temps. Et les 15 points qu’il s’est vu attribuer par le GaultMillau ont donné confiance à la clientèle: «Mais l’ouverture jusqu’à 23 heures est une très bonne nouvelle. On va rester ouverts tout le temps, sauf le 24 à midi et le 25. Et les clients sont au rendez-vous. C’est très encourageant». Reste le risque de voir tout refermer après les fêtes et les bises avinées du 31 au soir, si la courbe des personnes atteintes par le virus évolue dans le mauvais sens: «C’est à nous tous de faire attention pour que ça se passe bien!».

 

Giovannini sceptique. «Jusqu’à l’arrivée des vaccins, l’hiver sera compliqué», lance le patron de l’Hôtel de Ville de Crissier (19/20) qui, ce vendredi à 17h30, est encore en train de saluer les derniers clients du service de midi. Un service joyeux, pourtant: «Quel bien ça fait de voir le restaurant vivre, de voir les clients heureux de venir! On est content d’être là». Concrètement, cependant, les restrictions du nombre de convives par table réduisent de 20% le volume des affaires. Alors que les charges, elles, pèsent à 100%, avec en plus des difficultés inhérentes à la grande restauration: «L’approvisionnement en marchandises, comme les produits de la mer, est compliqué: toute l’Europe est fermée. La qualité est remarquable, mais les quantités ne sont pas assurées et les délais de commandes allongés», constate le chef de Crissier qui reste sceptique pour l’avenir: «La déclaration du Conseil Fédéral est bien entendu positive, mais la gestion de la suite reste aux mains des cantons qui devront agir si les chiffres ne sont pas favorables. Or, malgré les cinq semaines d’efforts des cantons romands, la situation reste tendue. La liberté retrouvée ne tient donc qu’à un fil».