Photos: François Busson

Pourquoi cet amour de la carotte ?

Ma maman était également chef de cuisine, d’abord dans de petits restaurants traditionnels dans le Vercors, puis, famille oblige, en collectivité. Mon grand-père maternel que je n’ai malheureusement pas connu était l’aubergiste du village de mon enfance et, du côté de mon père, il était boulanger. Autant dire que, dans la famille, le bien-manger est un art de vivre. Et le bœuf carotte qui mijotait doucement au coin du fourneau quand j’étais gamin m’a laissé des souvenirs émus. Quand je rentrais de l’école et que cette odeur de carotte et de bouquet garni embaumait la maison, je n’avais plus qu’une envie: passer à table. Aujourd’hui, la carotte est souvent présente sur mes cartes car c’est un légume que l’on trouve en toutes saisons sous différentes formes et couleurs, qui est bon marché, et que l’on peut travailler selon différentes textures sucrées ou salées. Avec du gingembre, du cumin, de la citronnelle ou de la vanille, c’est magnifique !

 

Bruno Marchal

Bruno Marchal est un fan (sans jeu de mots) des carottes.

Et le bœuf carotte alors, plat emblématique de votre enfance…

Cela fait partie des plats bon marché qui permettent d’utiliser ce qu’on appelle les bas morceaux. Aujourd’hui, ce sont des plats un peu oubliés parce qu’ils demandent un long temps de cuisson. Mais c’est si simple à préparer… (voir recette plus bas). Pour le bœuf carotte, n’hésitez pas à commander à votre boucher, même en supermarché, un beau morceau de paleron: c’est le roi du mijoté avec une bande gélatineuse qui le traverse en son milieu et lui confère un moelleux incomparable.  

 

Le repas qui vous a le plus marqué?

J’ai eu la chance, cette année, de pouvoir aller manger chez Marc Veyrat à Manigod, au-dessus d’Annecy. C’était tout simplement magnifique, un vrai voyage découverte en interaction avec le chef qui vient vous expliquer en salle, à chaque plat, que tel goût vient de telle herbe sauvage qu’il a récoltée dans la montagne en compagnie de son jeune cousin herboriste. Sa langoustine royale avec ses trois bonbons à la reine des prés est extraordinaire. Et ceci, dans un cadre boisé absolument féérique avec vue sur le Mont-Blanc!

 

Pourquoi avoir choisi le métier de cuisinier?

Comme indiqué plus haut, je suis tombé dans la marmite tout gamin avec mon grand-père qui tenait l’auberge de mon village, le Gontard, près de Monsteroux-Milieu en Isère. Quant à ma maman, elle était cantinière à l’école communale et j’ai donc mangé sa cuisine midi et soir pendant huit ans. C’était un tout petit village de 200 habitants et une toute petite école avec plusieurs niveaux par classe et les paysans du coin qui livraient leurs légumes pour nourrir les gosses. Et ce n’est pas parce que c’était ma maman, mais on mangeait très bien à la cantine…

C’est peut-être de là que me vient le goût des bonnes choses. J’ai toujours aimé bien manger et passer à table est un vrai bonheur. Quand je rentrais de l’école le samedi matin, au début des années quatre-vingt, je me précipitais devant la télé pour voir l’émission culinaire de Michel Oliver, «La vérité est au fond de la marmite». Et tant que les animateurs ne disaient pas «Bon appétit !» à la fin de l’émission, je ne passais pas à table.

Ensuite, j’ai démarré en 1995 au lycée hôtelier de Tain-l’Hermitage et passé le bac pro avant de suivre une formation de traiteur à Vienne. L’été, je faisais les saisons aux Ménuires. Et j’ai débarqué au Beau-Rivage de Genève en 2000 sous la houlette de Richard Cressac pendant deux ans, puis de Dominique Gauthier jusqu’en 2014.

 

Dominique Gauthier qui est un peu votre mentor en cuisine…

Je lui dois énormément et je ne le remercierais jamais assez pour la confiance qu’il m’a témoignée durant toutes ces années au Chat Botté. Car j’ai appris énormément, aussi bien humainement que culinairement. Comment bien s’entourer, gérer une équipe, les relations humaines au sein d’une entreprise. Il m’a fait prendre conscience qu’il ne suffisait pas de savoir cuisiner pour devenir un grand chef.

 

Quel est le client qui vous a le plus touché? Pourquoi?

On fait un métier de passion en étroite relation avec notre clientèle à laquelle on essaie à chaque fois d’offrir un moment de plaisir et de détente, de transmettre des émotions dans nos plats. Alors, le client qui vous remercie simplement en vous disant que, le temps du repas, il a oublié tous ses soucis professionnels ou familiaux, il suffit à mon bonheur. On travaille pour cela, on donne tout pour ce moment-là. Et si un plat n’a pas plu, je préfère qu’on me le dise franchement plutôt que d’aller dégoiser sur Trip Advisor. On n’est pas des machines et on sait pertinemment que l’on ne peut pas plaire à tout le monde. Toutes les critiques, bonnes ou mauvaises, sont constructives.

 

>> La recette de son enfance, le bœuf braisé aux carottes:

Ingrédients

800g de paleron de bœuf coupé en 12 morceaux  

60cl de vin rouge

200g de lard coupé en 4 morceaux

60cl de bouillon de bœuf

3 gousses d’ail

800g de carottes coupées en gros cubes

2 oignons hachés

Sel-poivre

1 branche de thym

Huile de colza

2 feuilles de laurier

50g de beurre

 

Prépration

  1. Faire chauffer l’huile de colza dans une cocotte, puis faire revenir les morceaux de bœuf et de lard jusqu’à ce qu’ils aient une légère coloration. Ajouter le beurre et remuer.
  2. Verser les oignons hachés, puis laisser revenir sans les faire colorer. Saler et poivrer, ajouter l’ail, le thym et le laurier. Bien mélanger avec la viande.
  3. Ajouter les carottes, saler de nouveau, puis mélanger. Mouiller le tout avec le vin rouge et le bouillon de bœuf puis faire bouillir.
  4. Dès la première ébullition, baisser le feu, couvrir et laisser cuire à feu doux avec frémissements pendant 2 heures environ en vérifiant qu’il y ait toujours assez de bouillon (mouiller avec un peu d’eau s’il en manque).