Chef genevois emblématique du Domaine de Châteauvieux (19/20), Philippe Chevrier célèbre le dixième anniversaire de son élégant restaurant du centre-ville, le steakhouse Chez Philippe (15/20). L’occasion de revenir avec lui sur cette audacieuse aventure culinaire qui a su charmer les Genevois, au point de devenir une institution du genre. (Photo ci-dessus: Philippe Chevrier, au centre, avec le chef Gilles Granziero et la directrice Tamar Garcia).

Le steakhouse façon new yorkaise Chez Philippe.
Philippe Chevrier, rappelez-nous où avez-vous trouvé cette idée de steakhouse, qui n’existait pas à l'époque à Genève?
C’était un vieux rêve! Lors de mon premier marathon à New-York en 1984 - j’avais 23 ans -, j’ai fait la découverte des steakhouses de la ville. Je me suis toujours dit que si j’en avais la possibilité, j’en ouvrirais un à Genève.
Comment cela s'est-il concrétisé?
Il y a une quinzaine d'années, j’ai été contacté à propos d'un espace immobilier de plus de 1000 mètres carrés, une partie de l'ancien siège de l'UBS. C’est à ce moment que ce projet de longue haleine a mûri. Cela a pris plus de 4 années pour transformer les lieux en ce restaurant que vous connaissez aujourd’hui. Nous sommes même partis avec à New York pour nous imprégner de cet esprit typique. J’avais cette volonté de grands espaces confortables et élégants, avec ce côté industriel, métallique, de la brique, et surtout cette grande cave ouverte. Et, je souhaitais quelque chose d’intemporel. De plus, je tenais à ouvrir le champ des possibles en termes de restauration. Ce large choix à la carte est une volonté que nous avons appliquée dès l’ouverture.

Parmi les desserts de la carte, on ne résiste pas à la Big Apple «Granny Smith» en sucre soufflé, qui dévoile un nuage à la Chartreuse verte.
Comment se maintenir dans la compétition genevoise durant 10 ans, sans changer de concept?
Le défi est quotidien. Dans ce métier, chaque client qui rentre doit être satisfait. Chez Philippe, comme ailleurs, il faut de la régularité et de la constance. D’autant que c’est une grosse machine, avec 50 employés, une carte très large et une ouverture 7 jours sur 7. Je pense vraiment que l’une des forces de ce restaurant, c'est qu’il réunit toutes les générations: une clientèle très business en semaine, et plus familiale le week-end. Tous les détails sont travaillés au quotidien, et mis bout à bout, cela fonctionne…depuis 10 ans! Nous venons même d’ouvrir le petit frère de Chez Philippe: le Cosmopolite, avec un brunch le dimanche, qui prend déjà très bien. On se réjouit du prochain été avec nos 80 places de terrasse.

Le chef Philippe Chevrier.

Le cœur de Chez Philippe depuis 10 ans: Tamar Garcia, directrice du restaurant, et son acolyte en cuisine, fidèle du chef Chevrier, Gilles Granziero.
Il y a de nombreux steakhouses à Genève. Qu’est ce qui fait la différence et le succès de Chez Philippe?
Philippe Chevrier: Notre professionnalisme. Je suis fier de me dire que nous sommes très vite devenus une institution malgré la difficulté de gestion de ce paquebot. L’emplacement, la qualité des produits et de notre cuisine, la beauté de l’attention, jouent comme un tout sur cette réussite. Je crois qu’en tant qu’entrepreneur, j’ai aussi une vraie force, qui fait la différence: celle de savoir mettre les bonnes personnes au bon endroit! Il ne faut jamais regretter que les gens fassent aussi bien, voire mieux que vous. Car, il ne faut pas l’oublier, la restauration, c’est un métier où il faut avant tout aimer les gens. Mais c’est à Tamar [Garcia, directrice du restaurant, ndlr] et Gilles [Granziero, chef de cuisine], qui m'accompagnent tous deux depuis les débuts, de répondre à cette question!
Gilles Granziero: Pour ne jamais lasser, on joue sur la saisonnalité, ou des propositions plus bistrotières, toujours avec une belle qualité de produit. Le chef Chevrier nous donne, depuis le début, les moyens de concrétiser les projets et les idées qui dynamisent le restaurant, et cela joue beaucoup sur notre pérennité.
Tamar Garcia: Ces dernières années, les gens vont moins souvent au restaurant, et mangent moins de viande. Aujourd’hui, nous avons de vraies propositions pour satisfaire ce type d’envies plus en légèreté. Nous avons aussi instauré du service à table, découpe, et flambage par exemple. Cela nous a permis d’évoluer et d’apporter de la chaleur au service. Je pense que les clients le ressentent et l'apprécient.

Les côtelettes premières d'Irlande.
Chez Philippe a finalement lancé la tendance de steakhouse sur Genève. Comment vous portez-vous face à la concurrence?
Vous savez, le soleil brille pour tout le monde! La concurrence est saine. Il faut être en alerte et se remettre en question régulièrement. Il n'y a jamais rien d'acquis, car chaque client qui se gagne peut se perdre. C'est la loi de notre métier. Ce n’est pas un sprint, c'est un marathon. Mais cela me convient très bien, moi qui cours toujours autant depuis toutes ces années!
L’après-covid est compliqué pour les restaurateurs. Avec votre expérience, comment voyez vous l’avenir de la gastronomie en Suisse?
Je pense qu'il y aura toujours de la place pour les professionnels. Même s’il est clair que tenir une entreprise aujourd’hui, c'est devenu un sport d’équilibriste. En tout cas, il y a une chose qu'il ne faut jamais négliger selon moi: c'est la qualité des produits et de la cuisine. Car dans un monde dans lequel les gens se renferment, une expérience au restaurant laisse encore cette possibilité de contact et de convivialité unique qu’il faut transformer en une expérience mémorable. Nous nous y attelons quotidiennement.

