Alors que celle de printemps ne va sûrement pas sortir, pensez-vous déjà à la carte suivante?

Non. En ce moment, la création d'une nouvelle carte n'est pas d'actualité pour moi. J’ai l’habitude et beaucoup de plaisir à travailler les produits de saison de nos artisans locaux, mais la crise sanitaire actuelle nous impose, à juste titre, le confinement, ce qui ne me permet pas de rencontrer ces producteurs passionnés. En conséquence, je ne suis pas en mesure de découvrir (peut-être) de nouveaux produits, ou simplement de faire mon marché habituel pour imaginer des assiettes…

De surcroît, je ne sais pas quand nous pourrons de nouveau accueillir nos clients. Par conséquent, il est impossible d'imaginer quels produits seront disponibles à ce moment-là pour créer mes nouveaux plats. Et puis pour l’inspiration, rien de tel que de voir, sentir, toucher, goûter… Alors patience…

 

Sans pouvoir rencontrer d’artisans producteurs, vous passez donc à côté de plusieurs produits printaniers… Lequel vous manquera le plus au restaurant?

Le printemps est une période incroyablement riche, un peu comme un renouveau, qui marque le début d'une nouvelle année gastronomique. Alors ces produits sont nombreux: morilles fraîches, asperges, ail des ours… Tous ces légumes printaniers tendres et pleins de couleurs vont malheureusement vite passer. Hors végétaux, les lapins de Mme Jeanneret, aux Ponts-de-Martel, qui sont élevés avec patience depuis déjà plusieurs mois, sont toujours dans un coin de ma tête…

 

Vous qui aimez tant les agrumes, cette situation ne vous laisse-t-elle pas un peu d’amertume?

Certes, mais si l’on renverse la question, je dirai que les agrumes relèvent une assiette, donnent de la niaque à nos plats, et ceci à chaque saison. Ils ne peuvent donc qu’être source d’espoir dans les tourments de ce printemps!

De plus, ils sont très nombreux et divers, alors laissez aller votre imagination et vous découvrirez des associations intrigantes mais délicieuses!

Jean-Yves Drevet Confiné

En attendant de pouvoir enfiler de nouveau sa combinaison de plongée...

Jean-Yves Drevet Confiné

... Jean-Yves Drevet enfourche son vélo!

Après vingt-trois ans à la tête du Prussien, cette pause forcée ne serait-elle pas une invitation au changement?

Au contraire! Cette situation me fait réfléchir aux liens que j’ai tissés avec les artisans d’ici, et ils n’en sont que renforcés. Ça me donne encore plus envie de continuer dans la ligne qui est la mienne depuis plusieurs années: travailler directement avec ces producteurs d’exception ainsi que cuisiner exclusivement avec l'inspiration saisonnière. Lorsque l’on pourra rouvrir le Prussien, vous m’y verrez donc toujours!

 

En tant que chef, vous avez beaucoup de responsabilités au Prussien. Lesquelles vous prennent le plus de temps ces jours?

Actuellement, les tâches administratives se résument au maintien de la trésorerie, entre les salaires et les charges fixes. Concernant les fournisseurs, j’ai mis un point d’honneur à régler les factures ouvertes dès que possible.

Je prends aussi beaucoup de temps pour et avec mon équipe, qui vit une situation exceptionnelle. Garder ces contacts est d’une grande importance pour moi.

 

Ça ne vous prend tout de même pas toute la journée, que faites-vous le reste du temps?

Par chance, la météo est avec nous, alors je vais me balader dans la nature avec mon chien; j’en profite pour ramasser quelques herbes sauvages… On trouve beaucoup d’oxalis et d’ail des ours, et l’aspérule odorante va tout bientôt refaire son apparition, quel bonheur! Par contre, j’ai moins de chance avec les champignons… Mon vélo a aussi repris du service, alors que ma combinaison de plongée me nargue un peu plus chaque jour…

 

Que faites-vous donc avec tout l’ail des ours que vous récoltez?

Du pesto, que je sers avec un tartare de bondelle du lac: une tuerie! Météo oblige, on prépare bien sûr aussi quelques grillades.

 

Un dernier mot avant la fin de ce confinement?

J’espère que cet élan de solidarité envers les petits artisans et producteurs ne retombera pas comme un soufflé lorsque cette période de restriction sera derrière nous.

J’aimerais en appeler aux gens à continuer d’œuvrer pour les commerces de proximité. Outre les commerces, penser à toute l’économie locale pour les vacances: on peut tout à fait se dépayser et prendre du bon temps à seulement quelques kilomètres de chez soi, certains lieux sont juste magiques… et n’attendent que vous!