Romain Dercile, si vous deviez retenir un fait marquant pour vous et votre restaurant en 2025, duquel s'agirait-il?
C'est d'avoir pu lâcher la cuisine pendant deux jours complets, même trois, au mois d'avril dernier, et ce pour la première fois. Cela m'a fait du bien de voir que je pouvais avoir toute confiance en mes équipes, que tout continuait à bien fonctionner. C'est un bon signe pour l'avenir. Et puis plus personnellement, cela m'a permis et de pouvoir assister sereinement à la naissance de ma fille Nora.
Y a-t-il un plat qui vous a marqué cette année?
C'est un plat qu'on a même voulu shooter pour le publier sur notre compte Instagram... C'est le homard en deux façons à l'agastache et sorbet au corail. Il y a le corps qui est chaud, juste confit, posé sur un petit risotto de blette et une sauce à l'agastache. Et à côté, en side, on a les pinces cuites un peu plus longtemps, servies en salade légèrement citronnée, avec un sorbet réalisé avec la bisque de corail et lié avec le corail de homard. C'est très rafraîchissant, et un peu surprenant, grâce à une petite pointe de piment. Ça ravigote, et ça chatouille la langue sans piquer.

Homard en deux façons par Romain Dercile: délicat, frais et légèrement pimenté.
Et un restaurant?
La Table du Lausanne Palace de Franck Pelux et Sarah Benahmed. J'aime l'identité que le chef a pu mettre là-bas, sa cuisine. Mais ce qui me touche le plus, c'est l'osmose qu'il y a entre le chef et sa compagne Sarah, qui a été primée maintes fois pour l'excellence de son accueil, sa gestion de la salle. Je sais, pour avoir travailler dans des maisons tenues par des couples, que c'est aussi ce qui peut faire la différence pour atteindre la troisième étoile.
Y a-t-il un autre chef qui vous a marqué cette année?
Sans hésiter, Gilles Varone. Franchement, son aventure, elle est magnifique. Ce qu'il a créé, le niveau d'excellence qu'il a atteint, même avec un gros déménagement au milieu. Il a su faire quelque chose de formidable, en plus en étant si jeune. On a un parcours un peu similaire, comme lui, j'ai travaillé à Londres et après, je suis venu en Suisse. Son approche ultra-locale est intéressante. On est aussi sensibles à ça, à la proximité. Même si moi, je reste plus dans la tradition française, les produits nobles et que je m'autorise les produits de la mer.
Dans quel état d'esprit abordez-vous cette nouvelle année?
Ultra motivé par ce projet de table d'exception Héritage que l'on a envie de créer dans ce qui est actuellement notre petit salon, et qui était l'ancienne petite brasserie de Carlo Crisci. Je veux en faire une table haute couture ou une table de haute gastronomie, vous dites comme vous voulez. Ici, on va vraiment d'être au plus près des envies du client en dialoguant. On va faire du sur-mesures, adapter le menu, le recentrer autour de ses envies, procéder aux dernières finitions devant lui. Pour ça, on a mis en place un crowfunding pour nous donner un coup de pouce. Car nous sommes seuls, nous n'avons pas d'investisseurs et le pécule de pré-vente va nous permettre de faire les aménagements nécessaires à ce projet, comme construire un nouveau comptoir, investir dans de nouvelles assiettes...
Y a-t-il un produit que vous voudriez particulièrement servir en 2025?
Alors, je fonctionne beaucoup au coup de cœur et je peux changer ma carte si je vois un produit qui me plait. Mais je dirais la grouse écossaise, un gibier que j'aime particulièrement cuisiner. Cette année 2025, l'approvisionnement a été particulièrement difficile, il y avait même des ruptures de stock. Je vais essayer d'être plus prévoyant l'année prochaine.
Une adresse que vous voudriez vivement visiter l'an prochain?
L'Assiette Champenoise, d'Arnaud Lallement, près de Reims. La réputation, le lieu, la technicité, la précision des goûts... Tout m'attire. La justesse des sauces aussi, primordiale pour le saucier que je suis. Il a une cuisine un peu comme celle de Frédéric Anton qui est très épurée et en même temps très gourmande. Et puis aussi, c'est un monsieur qui met beaucoup d'affect dans sa cuisine. Il n'est pas technique pour être technique. Ses intitulés de plats puisent dans ses souvenirs, comme son «homard façon mon père». Il met ses tripes dans l'assiette. Chez un cuisinier, ça me touche beaucoup. Je n'ai travaillé qu'avec des chefs comme ça, comme Pierre Gagnaire ou Gilles Goujon.
Le restaurant de la Fleur de Sel à Cossonay
Photos Pierre Menoux, Adrian Ehrbar.

