Texte: Daniel Böniger
Complètement fumé. Un joli crumble au cacao, coiffé de copeaux de chocolat noir, révèle une mousse au chocolat légère et aérienne. Au cœur, un insert de glace au coing. Mais d'où provient cette subtile note fumée qui se dévoile soudainement dans ce dessert extraordinaire? De quelques gouttes de gel au whisky Lagavulin. Ce dessert, de par sa complexité et sa finesse, s'intègre parfaitement au menu de Gilad Peled, chef du restaurant Colonnade de l'hôtel Mandarin Oriental à Lucerne (17/20). On en oublierait presque que le chef doublement étoilé s'appuie en grande partie sur son partenaire de longue date pour cette création: le pâtissier Clément Laurent (grande photo ci-dessus). Tous deux sont perfectionnistes jusqu'au bout des ongles!
La création de Clément Laurent au chocolat et whisky Lagavulin.
Pas le temps pour Instagram. Il faut bien cinq bonnes minutes à Clément Laurent pour assembler les différentes composantes de ce dessert. À la pince, il dépose finalement quelques feuilles d'oxalis sur l'œuvre d'art. Instagrammable? «J'ai peu de temps pour m'afficher sur les réseaux sociaux, dit le Français de 35 ans, mais cela me fait plaisir quand les clients partagent des photos de mes créations». Il admet sans détour avoir en horreur des desserts bâclés: «Un dessert, ça doit contenir du cœur et de l'amour».
Tous les chemins mènent à l'arôme. Malgré cette poésie, Clément Laurent, ne laisse rien au hasard non plus en matière de goût: «Je me concentre généralement sur un arôme spécifique», explique-t-il. «Les autres composants sont là pour apporter ce petit plus». Il accompagne ainsi des fraises fraîches avec une madeleine (elle-même cachée dans un cylindre de tuiles à la vanille), une crème de rooibos discrète, une réduction de fraise et des amandes.
Clément Laurent aime également utiliser des herbes, «lorsque c'est justifié», ici sous forme de sorbet.
Chaque fraise des bois est disposée à la pince.
Au cœur de ce cylindre en tuile à la vanille, une crème de rooibos et une madeleine.
La justesse du sucré Le pâtissier précise éviter les créations trop baroques ou trop lourdes. «Bien sûr, la plupart du temps, un peu de sucre est nécessaire. Car c'est le sucre qui fait le dessert, sinon ce serait juste un autre plat du menu». Cependant, la proportion de sucre doit être aussi faible que possible. Il y parvient, par exemple, en utilisant des fruits bien mûrs, et en équilibrant la saveur par un apport d'acidité, provenant d'agrumes, entre autres astuces. Il utilise aussi très volontiers des herbes fraîches. Mais ne comptez pas sur lui pour expérimenter tout et n'importe quoi. «Je suis résolument contre l'association du caviar et du chocolat!», prévient-il.
Une précision héritée du chef. Clément Laurent se dit proche du chef Gilad Peled: «Nous avons ouvert ensemble le restaurant Le Pressoir d’Argent pour Gordon Ramsay à Bordeaux, et Gilad m'a ensuite fait venir ici à Lucerne. On se connaît bien». Le chef et le pâtissier partagent les mêmes visions. «Grâce à lui, je suis devenu plus précis dans mon travail, mes desserts sont plus élégants». Le fait qu'il évolue dans l'ombre de la gloire du chef israélien ne le dérange pas. Son moteur, c'est sa passion: il ne pourrait pas vivre sans exercer ce qu'il décrit comme le métier de ses rêves, pour lequel il a travaillé depuis son enfance.
Précision et élégance: le pâtissier Clément Laurent et le chef Gilad Peled sont issus du même tonneau.
Congé paternité! Les recettes créées par Clément Laurent sont archivées dans un classeur noir, souvent consulté par les sept employés de sa brigade. Et ce répertoire est probablement très sollicité en ce moment, car le pâtissier est en congé paternité. Il attend son premier enfant avec sa compagne Lea Gripon. «Je serai peut-être une personne différente après ça!», professe-t-il.
La patte des desserts du MO. Toute l'équipe de restauration du Mandarin Oriental à Lucerne sera sans aucun doute ravie de le revoir à son poste après sa «pause papa». Car Clément Laurent n'est pas seulement responsable des desserts du Colonnade, mais aussi des pavlovas, tartes au citron et autres douceurs de la Brasserie MOzern, sur lesquelles il a apposé sa griffe. Et, ce qui n'est pas négligeable, il est aussi en charge des desserts du restaurant Omakase Minamo (14/20). Une tâche épineuse, jusqu'à ce qu'il trouve comment concilier ses exigences avec le concept d'inspiration japonaise. Il crée ses desserts raffinés et élégants, mais en utilisant des ingrédients japonais comme le yuzu, le miso ou le whisky japonais.
Photos: Thomas Buchwalder et Adrian Bretscher.