Après 30 ans dans le GaultMillau, vous n’y êtes plus cette année, qu’est-ce que ça vous fait?
Ça me chagrine, car j’ai apprécié ces années de folie et l’honneur d’y être. Mais ce qui a changé, c’est moi. Après le service de midi, à 14h, je suis un homme mort. J’ai récemment subi trois opérations. Je n’ai pas pu m’arrêter de travailler. D’ailleurs, je ne veux pas arrêter! Mais qui veut aller loin, doit ménager sa monture. Une nouvelle opération semble se profiler. Je dois donc absolument réduire le rythme. J’ai donc averti le guide, pour ne pas décevoir les attentes légitimes. À regret, car si mon corps ne m’imposait pas son rythme, je repartirais comme en 14 et je me battrais pour le 18/20! (rire sonore)
Donc l’hôtel de Commune ne va pas fermer?
Pas du tout. Je ne peux pas laisser tomber tout le monde ainsi! J’ai 63 ans, je vais donc continuer pendant quelques années, mais en version simplifiée. Parce que vous savez, les notes, c’est bien. Mais quand j’ai eu mon 16 au GaultMillau, ça m’est littéralement tombé dessus! Tous les Zurichois débarquaient. Cette fois, je dois clairement réduire la voilure si je veux tenir le coup. Après 40 ans à 300 heures par mois, c’est le moment.
Mais, alors qu’on se parle, vous dépecez votre quatrième chevreuil de la journée… Réduire la voilure, vraiment?
Comment faire pour bien faire, j’y réfléchis depuis deux ans. Ce qui est certain, c’est que je vais continuer à servir du Stangl! Je vais continuer à tout faire maison. Et ça pour les trois services qu’implique un hôtel. Il n’y a donc pas de rupture en vue. Je continuerai à proposer les rognons préparés dans les règles de l’art, comme on les mangeait chez Girardet. Mais avec une offre réduite et moins de couverts. Cela dit, quand le pêcheur m’apporte un brochet de 1 mètre 70, je ne peux pas faire autrement que de le prendre et de le parer moi-même. J’adore ça!
Cette passion pour votre métier, comment vous est-elle venue?
Cette maison, mes grands-parents la géraient déjà. Moi, j’avais d’autres projets. D’ailleurs, je ne voulais pas être patron… je suis certainement le plus mauvais des patrons, car je déteste donner des ordres. Mais je n’ai pas vraiment eu le choix. Alors, j’ai voulu faire les choses bien. Après un apprentissage dans une auberge où j’ai appris tout ce qu’il ne fallait pas faire, je me suis formé en pâtisserie. En 1990, il a fallu reprendre l’Hôtel de Commune. C’était l’époque où tout le monde parlait de Girardet et je me suis pris au jeu. Et le 12/20 est arrivé, puis le 13, le 14 et ainsi de suite.
Après avoir obtenu 16/20, vous voilà sorti du guide. Comment voyez-vous l’avenir?
Je vais poursuivre mon chemin, fidèle à ma manière de faire, mais en m’adaptant aux contraintes que m’imposera mon corps. Je veux que cet hôtel continue à jouer son rôle de lieu d’accueil pour les marcheurs et pour tous ceux qui viennent manger le plat du jour. Ensuite, je me réjouis vraiment que quelqu'un le reprenne pour que l’histoire se poursuive.
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