Denis Martin

Attention, vous entrez ici dans l’antre d’un prestidigitateur: Denis Martin, le cuisinier-magicien qui a ses fans et ses détracteurs. La cuisine moléculaire, c’est lui qui l’a fait connaître aux Suisses, faisant hurler les uns, sourire les autres.
Le moléculaire a passé? Certes, mais il s’est instillé dans presque toutes les cuisines: un peu comme M. Jourdain fait de la prose sans le savoir, beaucoup de chefs font du moléculaire sans en avoir l’air. A Vevey, Denis Martin, lui, poursuit son exploration des saveurs et des textures, sans tabou. Notamment lors du show culinaire qui – à la demande – précède le repas. Repas qui se compose de l’un de ses trois menus à 190, 280 ou 360 francs (500 francs avec le show). Si ces montants vous donnent le vertige, sachez quand même que le premier menu n’est de loin pas une entrée de gamme et tient du festin déclinant neuf plats. Installé sur une peau de chèvre, dans la salle en rouge et noir que survole une vache œuvre d’art, il ne reste plus qu’à se laisser surprendre et envoûter.
Amateur de grande cuisine classique, laissez-vous bousculer. Voici le vacherin fribourgeois au cédrat en aimable bouchée réconfortante: c’est chaud, rouge et noir comme le décor, surprenant aussi. Le fenouil à la moutarde de Bénichon arrive en forme d’acra savoureux, mais très, très chaud. La crevette? Elle se profile dans un tourbillon de notes torréfiées, mi-cuite avec de la coco. C’est fin, plaisant. Puis arrive un petit chef-d’œuvre. Le chou-fleur à la rose et au lard, aérien et suave, associe originalité et délicatesse. Les perles de granny smith sur pommes de terre bintje au sirop d’anis sont un peu moins enthousiasmantes. Mais la langoustine en dressage superbe est un aboutissement: parfumée à la raisinée, à la citronnelle, au pamplemousse et au gingembre, elle est tout simplement magique!
A la complexité des associations répond une harmonie extraordinaire. Du Denis Martin des grands jours. Le mariage du céleri et de la poire, lui, est plus ludique qu’épatant, tout comme la carotte au gin et sa meringue vinaigrée. Alors vient le lieu jaune en un petit tableau coloré par le poivron rouge et le persil, dans une composition où le panais est nimbé d’huile de cacahuète rappelant furieusement le beurre de cacahuète.
La magie revient avec ce raifort sans raifort: de la moutarde en mousse et de la betterave en glace qui se fondent en bouchée délectable soulignée de safran. Le bœuf aux petits pois et billes de framboise cryogénisées est tendre et offre un magnifique équilibre de saveurs, que des notes pimentées viennent fouetter.
Enfin, si le chocolat blanc et le piment se contentent de rafraîchir le palais, la meringue fraise-litchi s’en trouve magnifiée: une pure délectation. Service attentif et précis.