Texte: Siméon Calame
«Découverte de l’année» en 2022, «Promu» en 2023, noté 16/20 au GaultMillau et étoilé au Michelin: le Njørden du chef Philippe Deslarzes collectionne les lauriers. Mais cela pourrait causer sa perte. Car la Commune d’Aubonne, propriétaire d’une partie des lieux (ndlr: le jardin et l’hôtel attenant appartiennent à la Caisse d’Epargne d’Aubonne), estime que «ce n’est pas au contribuable aubonnois de payer pour un standing qu’il ne pourra pas forcément se permettre», par la voix du municipal chargé des finances Laurent Auchlin, dans le quotidien 24 Heures. La Commune cherche donc un repreneur pour les locaux, en précisant vouloir pérenniser par cette vente la présence du Njørden dans le village. Philippe Deslarzes répond à la polémique et clarifie certains points sensibles selon lui.
Philippe Deslarzes, le Njørden tel qu’on le connaît, c’est fini?
Non! Tout le monde nous pose la même question, mais nous continuons l’aventure de la même manière que depuis le début. Le seul changement sera celui du propriétaire, lorsque la Commune aura vendu ces locaux. Mais elle souhaite trouver un investisseur qui puisse pérenniser la présence du Njørden dans le village. Alors nous sommes positifs et attendons de voir qui présentera son dossier.
L'équipe du Njørden a réalisé de gros travaux dans le jardin notamment, qui est propriété de la Caisse d'Epargne d'Aubonne.
La salle du restaurant gastronomique, où les desserts ne seront plus signés Lukas Navickas: l'ancien chef pâtissier est parti pour la Corse.
Pourquoi la Commune souhaite-t-elle vendre les locaux qui lui appartiennent et abritent une partie de votre établissement?
Selon elle, nos besoins sont «bien différents de ceux d’une simple auberge communale» et «ce n’est pas aux citoyens de financer le nouveau standing», selon le communiqué de presse publié fin janvier. En début d’année, la Commune nous a proposé de racheter l’ensemble des locaux qui lui appartiennent, ce que l’on a beaucoup apprécié.
Mais cela ne s’est pas fait?
Non. L’offre était trop élevée pour nous - et basée sur une estimation réalisée par un expert que nous n’avons jamais vu au Njørden… Car au vu des importants investissements que nous avons payés de notre poche, il nous semblait légitime de ne pas payer à double une partie des aménagements. Nous avons donc fait une contre-proposition à la Commune: leur offre moins le montant de nos investissements.
Si la Commune explique que «ce n’est pas aux citoyens de financer le nouveau standing» du Njørden, vous affirmez donc que les investissements ont été réalisés avec votre portemonnaie?
Oui. C’est un aspect que je souhaite absolument rectifier. Si certaines réparations ou remplacements (un four trop vieux, par exemple) ont bien été réalisés par la Commune, il s’agit de choses auxquelles tout bailleur est tenu. Et surtout, dont tous les locataires, vous, moi ou un restaurant, ont le droit de bénéficier. Toutefois nous avons investi nous-mêmes des sommes conséquentes afin de faire d’une partie de ce restaurant de village une table étoilée et reconnue dans l’univers gastronomique romand.
Filet de boya du lac de Joux, artichaut et chanterelles.
Vous vous dites blessé par certaines assertions. Qu’est-ce qui vous a affecté?
Comme je le disais, la médiatisation de l’affaire s’est concentrée sur le restaurant gastronomique - qui ne comporte pourtant qu’une petite vingtaine de places - en prétendant que le Njørden est hors de portée de la majorité de la clientèle locale. Tout le reste a été laissé de côté. Je tiens donc à rappeler qu’entre la brasserie d’une quarantaine de places, l’ouverture de notre établissement tous les jours dès 8h du matin et les menus du jour à 22 francs, le Njørden s’adresse à tout le monde!
Actuellement, qu’attendez-vous?
Qu’un investisseur prenne le relais de la Commune et que nous puissions débuter une nouvelle collaboration. À ma connaissance, il n’y a pas de délai ou de timing particulier. En attendant, la vie continue au Njørden. Et je précise que notre bail court jusqu’en 2031.
Qu’attendez-vous de ce futur investisseur?
Qu’il soit prêt à aller dans le sens de ce que l’on a commencé il y a bientôt trois ans. Soit viser l’excellence au restaurant gastronomique tout en maintenant cette vie villageoise que nous souhaitons faire vivre au café. Mais nous nous mettrons à table en temps voulu, il n’est pas utile de tirer des hypothèses avant.
Vous êtes donc positif quant à la suite.
Oui, totalement. Et on se réjouit du prochain épisode!
Photo: Sedrik Nemeth
