Faire de Beaulieu un exemple national. Nous avions laissé Benjamin Le Maguet le 24 mars dernier, lorsque le chef aux 14 points et à l'étoile verte Michelin annonçait quitter le restaurant familial des Evouettes (VS) afin de se concentrer sur «un projet innovant». On le retrouve désormais à Beaulieu, au cœur de Lausanne. À présent, c'est avec la brillante entrepreneuse helvético-canadienne Jasmine Gfeller qu'il travaille. Ensemble, ils comptent «dynamiser la scène culinaire lausannoise et suisse, et faire de Beaulieu un exemple gastronomique dans le pays».
3 axes principaux. Tout a commencé par la volonté du conseil d’administration de Beaulieu de «retrouver les valeurs de partage et de rencontre autour de la gastronomie qui étaient portées par l’histoire du Comptoir, cher aux Lausannois et Suisses». Comme une évidence, il a donc fait appel à Jasmine Gfeller. Ultra-créative, ambitieuse et ne renonçant à rien, celle-ci a planché sur un concept transversal: «C'est clairement le plus grand projet de ma vie, résume la trentenaire. Il comprend un restaurant gastronomique au premier étage, une brasserie au rez et des halles gourmandes de 1800 mètres carrés en construction. Dans un lieu aussi emblématique que Beaulieu, notre objectif est de créer un lien culturel autour de la nourriture, d'ouvrir une fenêtre sur l'artisanat.» Bien manger et bien boire, donc, tout en intégrant des soirées musicales et d'autres formes d'art. Mais pas uniquement.
Jasmine Gfeller a à son actif onze ouvertures de restaurants, d'Un Po' Di Più à La Vaudaire en passant par le Montana's ou encore la Parada, notamment.
«Nous recevons beaucoup de convives avant ou après des concerts et spectacles, contextualise Benjamin Le Maguet. Il est donc nécessaire pour ceux-ci de pouvoir profiter d'une prestation accessible.»
Des halles pour innover et créer. Si les deux premiers lieux (prévus dans les locaux de l'actuel Quintino, ouvert jusqu'à la fin d'année) ouvriront en janvier 2026, il faudra attendre l'automne 2027 pour découvrir les halles. Doublé d'une mignonne terrasse arborée, cet immense espace intérieur pourra accueillir jusqu'à 1500 convives par jour, qui profiteront de huit à dix restaurants principaux (changeant d'enseigne tous les 12 à 18 mois), d'une vinothèque et d'un lieu d'application pour des étudiants en hôtellerie-restauration. «Je suis très fière de cet espace, se réjouit Jasmine Gfeller. Que ce soient des étudiants en hôtellerie-restauration, des ingénieurs, des artistes ou des créatifs d'autres milieux, je suis convaincue que la jeune génération doit pouvoir essayer des choses, concrétiser des projets novateurs. Et nous estimons nécessaire, en 2025, de mettre un espace comme celui-ci à disposition de personnes qui veulent faire bouger les choses.»
Cuisine plaisir. Dans l'assiette, les décisions reviendront à Benjamin Le Maguet, un chef exécutif toujours fidèle à sa signature sauvage: «À l'instar de ce que j'ai toujours prôné dans ma carrière, nous tiendrons une ligne responsable dans chacun des trois pôles», assume-t-il. Côté plats, ceux de la brasserie pourront être classés dans la catégorie «street food» voire «fast good»: des plats à partager, «simples, axés sur le plaisir et pour lesquels on n'a pas besoin de réfléchir», sourit le chef. La partie gastronomique s'annonce, elle, «innovante, dynamique et cassera les codes classiques», mais rien de plus n'est divulgué.
Laboratoire culinaire? Pour les deux restaurants, on retrouvera des ingrédients régionaux et de saison, c'est évident, mais aussi une «vraie valorisation des vignerons indépendants locaux», par exemple, ou l'utilisation de techniques novatrices. «Pourquoi ne pas créer une sorte de laboratoire culinaire en collaboration avec des ingénieurs?», ose Jasmine Gfeller. Si l'on se fie à l'énergie et à la créativité dont fait preuve cette dernière, ainsi qu'au talent gastronomique de Benjamin Le Maguet, il ne fait pas de doute sur la réussite de ce nouveau paquebot culinaire lausannois.
Photos: Hayley Hay Photography