Texte: GaultMillau Suisse
Halte aux arômes artificiels. Les mycophiles peuvent se réjouir: ce 25 octobre aura lieu le traditionnel marché aux truffes de Bonvillars (VD). L'occasion de réunir les amateurs, les producteurs, les cuisiniers, les dresseurs de chiens et tous les autres amoureux de ce champignon souterrain. Un avertissement, qui rassurera les puristes: «seule la vraie truffe, sous sa forme pure et fraîche» est autorisée lors de cet événement, qui bannit arômes, parfums, produits chimiques, huiles, et tout autre ersatz truffé, prévient Isabelle Ravet, cheffe de projet de la filière truffe Nord-Vaudois. Autrement dit, beurres, fromages et tout produit truffé présent sur les étals du marché ne contiennent que de la véritable truffe, sauvage ou cultivée, mais surtout suisse. Car aujourd'hui, les professionnels aimeraient élaborer un label d'origine et de qualité pour la truffe locale.
Le marché aux truffes de Bonvillars réunit la «truffisphère» suisse.
Sur les étals, uniquement de la vraie truffe fraîche. Interdit aux copies et aux arômes artificiels!
Sensible à la température. La variété star de Bonvillars est sans discussion la truffe dite de Bourgogne, aussi appelée truffe d'automne, truffe grise, ou Tuber uncinatum, son taxon scientifique. C'est la variété qui s'épanouit le mieux dans les conditions naturelles locales. Du moins pour l'instant, car «à chaque fois que la température augmente d'un degré, la récolte de truffes d'automne baisse de 20%», calcule Isabelle Ravet. De quoi, peut-être, favoriser un jour une autre espèce, la fameuse truffe noire du Périgord, Tuber melanosporum, qui préfère les climats un peu plus chauds. Et pourquoi pas la truffe blanche, ou truffe d'Alba, qui se plait dans le nord de l'Italie. Tant que le mercure en reste là, en tout cas, c'est la truffe d'automne qui prévaut dans nos contrées.
Aucun produit chimique. Ce jour, la production reste modeste avec une centaine d'hectares dans tout le pays, dont une moitié dans le canton de Vaud. C'est que cet or noir ne pousse pas comme de la mauvaise herbe. A partir du moment où l'on plante les premiers arbres, dont les racines hébergeront les truffes, il s'écoule entre cinq à dix ans. Et n'espérez pas utiliser quelconques produits chimiques: ce produit fragile ne le supporte pas. La truffe, c'est bio, sinon rien!
Vers une truffe suisse. Pour cadrer la production de la truffe en Suisse, Isabelle Ravet travaille à la mise sur pied d'une filière nationale. Cela se traduirait concrètement par l'élaboration d'un label de type Appellation d'origine contrôlée (AOC), que les producteurs obtiendraient en respectant rigoureusement un cahier des charges, et en se soumettant à des contrôles qualité stricts. «Cela permettrait de valoriser la truffe suisse et d'en élever la qualité», estime l'experte. Le dossier pourrait aboutir fin 2026.
Une truffière est constitué d'arbres de 2 mètres maximum.
On peut visiter des truffières, dont la truffière didactique de Bonvillars, pour tout savoir sur ce mystérieux champignon.
Gros bonsaïs. En attendant, on peut rappeler qu'en dehors du marché, on peut aussi visiter des truffières jusqu'en décembre. De quoi voir de près d'où viennent les truffes suisses, et apprécier le travail de fourmi qu'il faut réaliser. Saviez-vous que les arbres ressemblent à de gros bonsais (leur taille est limitée à 2 mètres)? Ou que les trufficulteurs taillent les branches au millimètre afin d'obtenir la parfaite quantité d'ombre au sol? «Les arbres des truffières exigent un travail permanent, un peu comme dans les vignes», confirme Isabelle Ravet.
Qualité avant tout. Alors pourquoi pas goûter à cette belle truffe d'automne à Bonvillars? N'ayez pas peur de saccager vos économies, car celle-ci vaut jusqu'à dix fois moins cher que sa cousine périgourdine (comptez une soixantaine de francs pour quatre personnes), sans pour autant être une «truffe du pauvre». Les deux sont en fait assez différentes. La truffe d'automne a des saveurs «de très bon champignon de Paris, et des notes noisetées», décrit isabelle Ravet, tandis que la truffe noire du Périgord a «des arômes terreux, voire fumés». Deux conseils, pour terminer. D'abord, ne jamais chauffer la truffe d'automne au-delà de 60°C: elle perdrait ses saveurs. Il suffit de la râper ou d'en faire des copeaux. Ensuite, toujours l'accompagner d'ingrédients simples, mais de la meilleure qualité possible. «On la râpe sur un fromage frais, ou une tranche de pain au levain grillé: si tous les ingrédients sont bons, alors c'est incroyable», assure Isabelle Ravet. Parole d'experte!
Le marché aux truffes de Bonvillars
Association première région truffière de suisse
Commander des truffes chez des trufficulteurs suisses
Photos: Florian Bloesch/APRTS, Lionel Bourgeois/ADNV